Quand la réévaluation du PIB de l’Algérie dérange !

Campagne médiatique

Lors de sa dernière rencontre avec les journalistes, au début du mois d’août passé, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, annonçait que «le Produit intérieur brut réel de l’Algérie dépassait les 225 milliards de dollars en 2022 et qu’en réalité il pourrait se situer entre 240 et 245 milliards de dollars et ceci sans même aborder le marché et la production parallèle, nous sommes parvenus à 225 milliards de dollars comme chiffre officiel».

Moins de quatre jours après cette sortie du Président algérien, le magazine français Jeune Afrique, proche du palais royal marocain, titrait sans aucune retenu : «Pib de l’Algérie ; Tebboune s’est-il emmêlé dans ses données ?».
Le 17 septembre 2023, et lors de la séance d’ouverture de la réunion des pays membres du Fond monétaire arabe à Alger, le Premier ministre, Aïmen Benabderrahmane, déclarait que le PIB de l’Algérie et après sa réévaluation à travers une opération de «rebasage» a atteint 233 milliards de dollars en 2022. Cette déclaration de Benabderrahamane et le nouveau chiffre du Pib qu’il a communiqué ont donné lieu à une campagne médiatique émanant de milieux hostiles à l’Algérie visant à semer le doute sur la viabilité de cette réévaluation.
Pourtant, l’Algérie n’est pas le seul pays à avoir procédé à une réévaluation de son produit intérieur brut. En 2014, le Nigeria est devenu la première économie africaine, dépassant ainsi l’Afrique du Sud, suite à un changement de calcul statistique. Le même magazine Jeune Afrique traitera à l’époque cette information sans écart dans le commentaire : «Le 6 avril 2014, le Nigeria a publié, via son bureau national des statistiques, la nouvelle valorisation de son produit intérieur brut, appelée en anglais ‘’rebasing’’». La technique qui a permis au pays de se hisser à ce rang consiste en la modification de l’année de référence à partir de laquelle est calculé le produit intérieur brut». La réévaluation a permis de faire bondir le Pib du Nigeria de 89%. Ce qui constitue un record absolu que certains expliquent par le fait que ce pays n’a pas modifié sa méthode de calcul depuis 1990. Le rebasing du Pib d’un pays est reconnue par les Nations unies et les institutions financières internationales. Ces dernières recommandent aux pays de modifier tous les cinq ans le mode de calcul de leur Pib pour prendre en compte les évolutions dans la production et la consommation. Donc et contrairement aux analyses de certains experts, la décision prise par l’Algérie de réévaluer son produit intérieur brut est largement justifiée et respecte les critères internationaux régissant ce processus. Parmi les nombreux pays qui adoptent régulièrement le rebasing nous trouvons le Maroc. Ce pays a procédé à trois réévaluations de son Pib depuis 1998, alors que l’Algérie n’a menée aucune procédure pendant tout ce temps là.
En 1998, le Maroc a procédé à une réévaluation de son Pib avec une croissance de 11%. Une deuxième opération s’est faite en 2007, devenue une année de base de calcul avec une hausse du Pib de 5,1%. Enfin, la dernière réévaluation a été finalisé en avril 2022 avec comme année de base 2014 et une hausse du Pib de 8,2%. D’autres pays en Afrique ont récemment revu à la hausse leurs Pib. Le Sénégal en 2018 avec une réévaluation de son produit intérieur brut de 30%, la Côte d’Ivoire en mars 2020 avec 38% et le Togo en septembre de la même année avec 30%.
Pour revenir à l’Algérie, on pourrait considérer que cette réévaluation de son produit intérieur brut a été modeste comparativement avec les exemples qu’on vient de citer. Selon le Premier ministre algérien, le nouveau Pib serait de 233 milliards en 2022 de dollars contre 193 milliards de dollars évalués antérieurement par les institutions financières internationales. Ce qui représente une hausse modeste de l’ordre de 17% seulement. Pourtant et à l’exemple du Nigeria, l’Algérie n’a pas réévalué son Pib depuis plus d’une vingtaine d’année.
Dans les prochains jours on s’attend à des explications du Gouvernement concernant l’année de base prise dans la réévaluation du Pib ainsi que la dernière année où l’Algérie a procéder à un rebasing de son Pib. Un état des lieux de l’opération de numérisation de l’administration, de l’économie et des finances ainsi que de la modernisation du système statistiques nationale devrait également être fait.
M. Chermat