Le rationnement imposé par la pénurie de blé ukrainien exaspère les boulangers

Crise du pain en Tunisie

Depuis deux mois, les Tunisiens font face à une importante pénurie de pain, eux qui en consomment bien plus que les Français. En cause : la guerre en Ukraine, qui a fait chuter les importations de blé.
Chaque jour la même scène : une file d’attente, devant la boulangerie, et cette Tunisienne perd patience : « Matin et soir, il faut partir à la recherche de ce pain. On est fatigués », se rebelle-t-elle. Aujourd’hui, le boulanger a bien voulu lui donner dix baguettes, mais parfois, c’est moitié moins et… « Cinq baguettes… ça ne peut pas suffire pour une famille de huit personnes ! », s’écrie-t-elle.
Car la Tunisie est l’un des plus gros consommateurs de pain au monde : 74 kilos y sont consommés par personne et par an, loin devant la France, d’où l’impact de cette crise. «On touche le Tunisien au ventre ! «, résume Asma, professeure de français qui confirme que le pain est un aliment « indispensable sur la table des Tunisiens ».
On mange facilement, par exemple, une demi-baguette avec un plat de sauce aux pois. Or, depuis la guerre en Ukraine, les importations de blé ont fondu, et les autorités tunisiennes ont décidé le 1er août de rationner la farine subventionnée et d’imposer des règles complexes aux commerçants. Ainsi, dans cette boulangerie subventionnée par l’État, dans le Grand Tunis, Youssef le vendeur est exaspéré : « il n’a plus le droit de produire que du pain et un seul type de baguette, millimétrée. Son étal, auparavant rempli de pâtisseries, est complètement vide. Avant, les clients venaient avec leurs enfants, acheter un goûter pour aller à l’école. Maintenant, il n’y a pas », regrette-t-il d’un air triste, en expliquant que plus de la moitié de ses collègues ont été mis au chômage technique et ont quitté la boulangerie.
Car la facture d’électricité, n’a pas non plus oublié de grimper, 4 500 dinars (1.300 euros par mois).
«Le patron va faire faillite comme ça, il ne peut pas gérer», craint Youssef.
Dans cet autre type de boulangerie, dite « moderne », non-étatique, le patron Kaïs, n’est pas content non plus. S’il est autorisé à fabriquer des pâtisseries et du pain, ce dernier doit être plus petit et plus cher que chez les boulangers subventionnés, pour ne pas les concurrencer.
Non seulement la qualité du pain ainsi fourni n’est pas de bonne qualité, râle Kaïs, mais en plus c’est mauvais pour le commerce.n