Algérie, Italie, Galsi et grand plan militaire en Bassin Méditerranéen

Sahel, Afrique, hydrogène vert, gaz naturel, électricité et ammoniac

Reçu il y a tout juste une semaine au siège de la Présidence par le Chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, était en visite officielle à Alger. Un voyage stratégique et militaire par excellence, durant lequel le ministre italien avait déclaré que «pour l’Italie, l’Algérie est un pays stratégique et d’une extrême importance». Presque devenus des alliés, les deux pays, l’Algérie et l’Italie, se préparent-ils à une alliance militaire maritime pour protéger et sécuriser l’un des plus importants gazoducs sur le Bassin Méditerranéen, Galsi ?

La visite récente du ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, à Alger, et sa rencontre avec le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, ainsi que le Général d’Armée, Saïd Chanegriha, s’inscrit dans cette optique à savoir : la préparation d’un plan militaire sécuritaire commun, entre l’Armée nationale populaire (ANP) et l’Armée italienne, autour du prochain gazoduc, Galsi, qui va relier via le Bassin Méditerranéen, l’Algérie et l’Italie, avec une alimentation sous-marine de quatre matières énergétiques redoutables, stratégiques et sensibles, dont sa sécurisation, protection et surveillance mérite un plan militaire sécuritaire commun entre les deux armées, algérienne et italienne, expliquent des observateurs et spécialistes des questions militaires et géopolitiques.
Ce nouveau gazoduc géant qui comprend quatre matières énergétiques stratégiques, qui va être aménagé entre les deux pays, l’Algérie et l’Italie, avec, dans un premier temps, une capacité de 8 à 10 milliards de mètres cubes/an d’acheminement du gaz, de l’ammoniac, de l’électricité et de l’hydrogène vert et bleu, est placé à haute importance, voire un projet stratégique par les deux pays, surtout dans un monde plongé dans les conflits et guerres géostratégiques et, surtout, des crises énergétiques. Un méga-projet qui s’étendra sur 837 km, dont 565 seront en offshore à travers la mer Méditerranée, et 272 à terre, dont le coût global du projet est estimé à 2,5 milliards de dollars. Ce prochain gazoduc, Galsi, dont sa réalisation bat son plein grâce aux grands efforts déployés par des entreprises algériennes et italiennes, est considéré comme étant un projet géo-
stratégique et géo-économique pour l’Europe, en raison de sa grande contribution à répondre aux besoins énergétiques et économiques pour de nombreuses capitales européennes et non pas seulement pour Rome.

Alger-Rome vers le sommet
Officiellement et lors de ses rencontres avec le Chef de l’Etat et le Général d’Armée, Guido Crosette, avait déclaré que l’objectif de son voyage à Alger est «de consacrer la stabilité dans la région du Bassin Méditerranéen mais aussi la région du Sahel, l’Algérie et l’Italie sont appelées à développer davantage leur coopération, notamment dans le domaine militaire», a-t-il mentionné, tout en persistant que «l’Algérie est un partenaire stratégique en Afrique pour Rome», a fait observer le ministre italien de la Défense. Ses déclarations indiquent, quelque part et d’une manière beaucoup plus précise, qu’un plan militaire commun est en train de se dessiner entre les deux Armées, algérienne et italienne, autour de la protection militaire du prochain géant Galsi.
Dans une déclaration à la presse à l’issue d’une audience que lui a accordée le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, Crossetto avait, aussi, signalé que les deux pays sont conscient de la nécessité de développer davantage la coopération bilatérale, dans l’objectif de consacrer la stabilité dans la région du bassin méditerranéen mais aussi la région du Sahel. «Pour plus de stabilité dans le continent africain dans les mois à venir, nous allons œuvrer à élaborer un plan d’action pour faire face aux défis auxquels sont confrontés nos deux pays», a fait savoir l’hôte italien.
Faisant la mention du Bassin Méditerranéen lors de ses déclarations à Alger et devant le Général d’Armée, Said Chanegriha, le ministre de la Défense italienne parlait, sans aucun doute, d’un plan militaire marin, géo-stratégique, qui concernera la sécurisation du gazoduc Galsi, mais aussi la lutte contre le trafic d’humains, à travers l’immigration clandestine, qui ne cesse de causer de graves préjudices économiques et sécuritaires pour l’Italie et l’Europe entière. Le ministre italien, qui avait effectué, il y a une semaine, une visite de travail en Algérie et qui était à la tête d’une délégation militaire de haut niveau, avait déclaré que les deux pays «ont convenu de développer la coopération entre les deux institutions militaires algérienne et italienne», ajoutant que «notre principal objectif est de réaliser le développement économique et la stabilité en Afrique et dans le pourtour méditerranéen ainsi que la lutte contre le terrorisme». Le ministre italien avait également expliqué qu’Alger et Rome œuvrent à développer la coopération dans le domaine de l’industrie, affirmant que son pays est «convaincu que l’Algérie est un partenaire stratégique en Afrique».

Coopération militaire algéro-italienne, une exigence
Les défis sécuritaires dans le Bassin Méditerranéen étaient l’une des questions les plus importantes abordées lors de cette visite du ministre de la Défense, Guido Crosetto, bien entendu aux côtés d’autres défis, notamment au Sahel, en Afrique et en Europe même avec les effets désastreux de l’immigration clandestine.
D’ailleurs, l’audience que lui avait accordé le chef d’État-major de l’Armée nationale populaire (ANP), le Général d’Armée Saïd Chanegriha, avait porté sur cette question majeure, selon un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN). «Les deux parties avaient passé en revue les domaines de la coopération militaire et les moyens de développement et de renforcement de la coordination sur les questions d’intérêt commun, traduisant ainsi la profondeur des relations historiques entre les deux pays amis», avait précisé le communiqué du MDN. A cette occasion, le Général d’Armée, Said Chanegriha avait prononcé une allocution dans laquelle il avait mis en valeur le caractère séculaire et solide des relations algéro-italiennes et les potentialités des deux pays, à même de contribuer à la concrétisation d’«une coopération qualitative et durable».
Une durabilité dans la coopération militaire algéro-italienne, ce qui confirme la naissance, prochaine, d’une sorte d’Alliance militaire entre Alger et Rome autour de la sécurisation, protection et surveillance du gazoduc stratégique, Galsi.
Le Général d’Armée avait également «fait mention de la diversification enregistrée dans les domaines de coopération militaire entre les deux Armées, en soulignant que l’ANP est prête à développer et promouvoir les relations bilatérales au niveau qui leur sied, notamment à la lumière des changements actuels et du contexte d’instabilité qui caractérise la région», avait noté ce jour là un communiqué du ministère de la Défense sur cette visite du ministre italien de la Défense en Algérie.
Le Général d’Armée avait réitéré l’entière disposition à œuvrer pour «la consolidation du programme de coopération bilatérale qui n’est pas seulement un choix, mais aussi une exigence dictée par les changements actuels et le contexte d’insécurité qui caractérisent notre région, lesquels nécessitent la conjugaison des efforts, pour pacifier les pays qui souffrent des répercussions des conflits, et les aider à retrouver leur stabilité et leur sécurité», avait précisé le Chef d’Etat-major devant son homologue italien.
Berlin, Giorgia Meloni, ENI, Sonatrach
et hydrogène vert
Le 23 janvier 2023, le Groupe pétrolier italien, ENI, avait signé un accord avec Sonatrach à Alger, un pays à fort potentiel et qui intéresse pas uniquement l’Italie, mais aussi Berlin.
Un deal conclu en présence de la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, laquelle avait déclaré que «l’Algérie peut devenir un leader aux niveaux africain et mondial, et l’Italie est la porte d’entrée pour la fourniture de cette énergie à l’Europe», avait révélé la Première ministre italienne lors de sa visite officielle effectuée en Algérie.
L’accord prévoit, bien entendu, la production et l’export vers l’Europe d’hydrogène, vert ou bleu, mais aussi l’ammoniac et l’électricité, des énergies nouvelles et stratégiques à la fois. Un nouveau gazoduc comprenant quatre ressources énergétiques, le gaz naturel, l’ammoniac, l’hydrogène vert et l’électricité, va être aménagé entre les deux pays, avec une capacité de 8 à 10 milliards de mètres cubes/an pour acheminer du gaz, de l’ammoniac, de l’électricité et de l’hydrogène. Le projet Galsi s’étendra sur 837 km, dont 565 seront en offshore à travers la mer Méditerranée, et 272 à terre.
Il coûtera 2,5 milliards de dollars. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avait affirmé, devant la Première ministre italienne, que le nouveau projet de gazoduc entre l’Algérie et l’Italie revêtait «une importance extrême» et «sera réalisé en peu de temps», avait mentionné le Chef de l’Etat.
C’est une belle opportunité pour l’Algérie, qui, comme d’autres concurrents arabes, tels que le Qatar ou encore l’Arabie saoudite, cherche à devenir un producteur d’énergies alternatives et de premier plan, en particulier l’hydrogène vert grâce à un soleil abondant qui déborde tout le territoire du pays et surtout le Grand Sahara algérien.
L’Algérie avait déjà conclu un partenariat avec l’Allemagne, qui cherche à diversifier ses sources d’énergie depuis la guerre en Ukraine. Un accord avait été signé le 22 décembre 2022 entre Sonatrach et la société allemande VNG, pour livrer de l’hydrogène à partir de 2030.
Les deux parties, algérienne et allemande, négocient par ailleurs la construction en Algérie d’une usine d’hydrogène vert, d’une capacité de production allant jusqu’à 20 MW, lequel devrait être opérationnel d’ici 2024.

Sofiane Abi