Au-delà du clivage religion-laïcité, prioriser la défense des conditions de vie

France

Dans les pays capitalistes et nations théocratiques, la laïcité comme la religion œuvrent respectivement à l’obscurcissement de la conscience des opprimés, du peuple. En France, l’annihilation de la conscience est menée à travers les sempiternels débats sur la laïcité, cette religion de la bourgeoisie française érigée en dogme républicain devant lequel le peuple est exhorté de se prosterner, de lui vouer un culte.

Pour ou contre le port de l’abaya à l’école ? Telle est la dernière opération de diversion et de division du peuple prolétaire de France. La énième rouerie de l’État français. Si, dans certains pays théocratiques, la religion œuvre à transformer le cerveau en prison de l’esprit où chaque jour l’individu croyant bâtit des nouveaux barreaux pour l’empêcher de gagner sa liberté intellectuelle, dans les pays capitalistes l’État des riches s’active, lui, à enchaîner chaque « citoyen » à l’idéologie dominante, celle des exploiteurs et oppresseurs, pour le spolier de sa conscience de classe, ferment de son discernement, source de son émancipation. Dans les pays capitalistes et nations théocratiques, la laïcité comme la religion œuvrent respectivement à l’obscurcissement de la conscience des opprimés, du peuple. En France, cette annihilation de la conscience est menée à travers les sempiternels débats sur la laïcité, cette religion de la bourgeoisie française érigée en dogme républicain devant lequel le peuple est exhorté de se prosterner, de lui vouer un culte. En fait, la réactivation des polémiques sur la laïcité et le port du voile vise à semer la confusion dans l’esprit des prolétaires pour mieux les entraîner à la fusion avec leurs maîtres : les idéologues et oligarques religieux islamistes ou les gouvernants français. Autrement dit, à travers la radicalisation des controverses sur les signes religieux, la classe dirigeante française enchaîne la majorité du peuple derrière l’État des riches, tandis que l’autre partie réfractaire se jette dans les bras des idéologues islamistes phallocrates. Tout cela dans le dessein de lui faire oublier ses misérables conditions de vie. Ses intérêts socioéconomiques. De mettre sous le tapis de la prière ses revendications sociales. Au vrai, en France, politiciens et islamistes ont des intérêts convergents. Les islamistes servent d’épouvantail aux politiciens tricolores pour occulter les véritables problèmes de société. Et les politiciens, par leurs diatribes et mesures antimusulmanes proférées et édictées au nom de la laïcité, prêtent main forte aux islamistes pour cultiver une culture de la victimisation propre à accroître leur influence et assoir leur emprise sur les personnes de confession islamique désemparées et désœuvrées. Les politiciens s’appuient sur les islamistes pour remplir les isoloirs d’électeurs, assurant leur élection et réélection aux fonctions présidentielles, parlementaires ou municipales. Et les islamistes s’adossent sur les politiciens pour remplir leurs mosquées, assurant leur élection au paradis. De fait, ces récurrentes et écœurantes controverses, ces fallacieux et spécieux débats livrés au peuple en guise de nourriture « spirituelle » et de dérivatif électoral par la classe dirigeante française, visent à faire diversion sur la faillite du système capitaliste, à occulter la montée inexorable de la misère, à voiler les multiples attaques que l’État des riches se prépare à infliger violemment au peuple, déjà précipité dans la paupérisation du fait de la cherté de la vie causée par la flambée des prix, l’explosion du chômage. Par ces interminables polémiques médiatiquement popularisées, la classe dirigeante française invite ainsi régulièrement les prolétaires à participer en tant qu’individus atomisés aux débats sur la laïcité, les signes religieux. Au nom de la défense de la République décatie, ils sont sollicités à réfléchir sur la laïcité en qualité de « citoyens » lobotomisés, dans une communion avec le petit-bourgeois (libéral, gauchiste ou islamiste) qui les méprise ou le bourgeois qui les exploite. Le prolétaire, dont les conditions de vie sont dramatiquement dégradées, est ainsi exhorté à se joindre à la curée laïcarde, à bouffer du « curé islamique », à endosser la tunique idéologique laïcarde confectionnée dans les ateliers de propagande des palais dorés de l’Élysée, le temple des adorateurs du Veau d’or. En tout cas, ces polémiques sur les signes religieux visent surtout à entretenir et attiser les clivages au sein de la population. À créer des divisions entre prolétaires, non plus seulement en fonction de leur nationalité, mais aussi de leur croyance.

Des clivages entre ouvriers
français et ouvriers immigrés (ou Français d’origine maghrébine ou subsaharienne de confession musulmane), ces derniers étant considérés, selon les nauséabonds clichés et stéréotypes racistes usuels en France, par définition comme potentiellement « islamistes ». Voire terroristes. La machiavélique classe dominante française n’oublie pas d’aviver et d’exacerber cette division entre prolétaires par un supplémentaire clivage au sein des « immigrés » : entre les « mauvais » immigrés partisans des signes religieux et les « bons » immigrés respectueux de la « République laïque », autrement dit soumis à la religion laïque et à l’idéologie dominante. Cette dichotomie, artificiellement créée par la classe dirigeante française, transforme ainsi la véritable solidarité prolétarienne par-delà les différences de nationalités et les croyances en une solidarité étatique et citoyenne de ceux qui se rejoignent et communient dans la « croyance » envers l’État des riches érigé en défenseur de la démocratie bourgeoise. Ainsi, au culte de la religion, la classe dominante française oppose celui de l’État laïque. La laïcité, religion de la classe dominante française, est devenue l’ultime arme idéologique de l’État pour diviser les prolétaires de France. Aussi, au-delà des controverses stériles entre zélateurs de la laïcité et sectateurs de la religion, les républicains bourgeois et les islamistes réactionnaires, les prolétaires de France, par-delà de leurs différences ethniques et religieuses, doivent se mobiliser exclusivement pour défendre inconditionnellement leurs conditions de vie et de travail. Le prolétariat de France ne doit épouser ni la cause de la religion, qui relève de la croyance individuelle et donc de la sphère privée : la religion n’a pas à être instrumentalisée ni politisée. Ni la religion de l’État « laïque », la République bourgeoise française belliciste. Ce sont de faux débats. Et surtout une fausse alternative. Au-delà de la prosternation religieuse, la protestation de foi laïcarde, le peuple prolétaire de France doit pratiquer avec vocation et abnégation la contestation sociale, la protestation politique, pour déloger de la société, et la bourgeoisie fasciste et sa perfide religion, la laïcité.

Khider Mesloub