Un symbole, un élément d’accoutrement traditionnel

La canne

La canne reste toujours un élément qui accompagne une tenue vestimentaire d’un temps. Avec le recul, on finit par la percevoir comme un auxiliaire indispensable à la vie quotidienne.

Que d’histoires, pour ne pas dire d’anecdotes extravagantes tirées du vécu collectif ! Elle rappelle la vie traditionnelle à la campagne. D’ailleurs à 80%, les populations devenues citadines sont d’origine rurale. Rares sont les citations qui n’aient pas eu un grand ou arrière père qui a toujours gardé la canne aux multiples fonctions.

Un symbole de l’imaginaire collectif
Qu’on relise les sourates du Coran, particulièrement «la sourate Taha» parlant de Sidna Moussa (QRS D DSSL), toujours armé d’un bâton qui lui a servi d’auxiliaire important. Grâce au Tout Puissant, c’est par le bâton transformé en reptile que ce prophète de religion monothéïte «pu convaincre son peuple qu’il y a un seul Dieu et que Moussa était un de ses envoyés chargé de transmettre un message divin. Ce bâton peut être sous forme de canne, a permis à Sidna Moussa de frayer un passage dans la mer pour fuir ses ennemis qui menaçaient de le tuer et de tuer tous ses compagnons.
«Ce bâton me sert pour conduire mon troupeau », dit Moussa à Dieu qui l’interrogeait, au tout début, sur son utilité. La canne est dans beaucoup de proverbes algériens qui lui donnent de nombreuses connotations en tant que guide pour ceux qui n’ont pas la possibilité d’avancer dans un monde incertain, pour les novices. Ainsi, on dit dans certaines régions. « La canne, je vais de l’apprêter, mais apprendre bien au cours de ton voyage dans la vie, à bien la manier.
Ce qui signifie, je vais t’armer pour la vie, mais sois capable de te débrouiller. Il fut un temps où les hommes devaient avoir une canne et en permanence avec soi pour exprimer sa capacité à faire face à toute éventualité : affronter quiconque ose porter un jugement dépréciatif sur sa personne, lever le défi. Et dans la tradition vestimentaire, la canne doit accompagner un homme comme complément d’une tenue : un pantalon bouffant des origines, une gandoura avec échancrure à l’avant, un turban de couleur et de longueur variables. Il y a des métiers qui exigent d’avoir une canne et de préférence d’un gros calibre, comme le métier de maquignon appelé à conduire des troupeaux de bovins ou d’ovins.

La canne, une arme de défense
Les meilleures preuves de cannes utilisées pour lutter contre toute forme d’agression, on les trouve chez les maquignons qui font preuve de solidarité comme famille professionnelle. Le vendeur de moutons et de bœufs, porte bien enfouis au fond de sa gandoura, des milliards de centimes. Imaginons quelqu’un qui vend dans la journée quelques centaines de moutons ou de veaux vendus au prix actuel : 5 à 7 millions en moyenne pour le mouton, 30 à 40 ou 50 millions pour un veau.
On a vu un maquignon qui a dissimulé des sommes faramineuses dans la doublure d’un gros pardessus d’une saleté repoussante. On le prendrait pour un mendiant. Comme il s’agit d’hommes pourris d’argent, ils attirent les agresseurs désireux de les délester de leurs grosses sommes. Mais quiconque ose s’approcher d’un maquignon pour lui voler son argent, appelle ses camardes du même métier qui arrivent vite à la rescousse en brandissant leur canne.
Et lorsqu’ils s’abattent à plusieurs sur un voleur téméraire, ils le lynchent à mort. Tous les autres voleurs prennent la fuite. La solidarité dans ce corps de métier est renommée depuis les origines, les maquignons se déplacent ensemble pour vendre ou acheter des bêtes.
L’histoire nous relate aussi des luttes intertribales à coups de canne. Des groupes s’affrontent en échangeant des coups, provoquant des mises à mort et des blessures, jusqu’à la victoire d’un groupe sur l’autre. Il faut rappeler qu’un groupe ou un clan de société traditionnelle ne pardonne jamais une défaite. Le perdant jure toujours de se venger le moment favorable venu.
Anecdotes sur le choix des cannes et sur la volonté de ne jamais lâcher sa canne
Il y a des centaines de variétés de cannes. Il y en a qui préfèrent celles recouvertes de cuir à la courbure, ou brillantes par la même courbure sur laquelle on a enroulé du fil métallique d’un éclat qui séduit : c’est du cuivre, de l’aluminium, de l’argent ou du laiton qui font de la canne un objet de valeur qu’on ne peut en aucun cas se laisser se dessaisir : on l’a choisie, payée pour la garder à vie. Et dans les grandes occasions : fêtes, regroupements, réunions, on l’exhibe fièrement comme si elle portait une signature.
Aussi, on tant à une pas la perdre
On raconte qu’un vieux revenait à dos d’âne d’un marché en plein air d’antan, qui se tenait au fond d’une vallée où coule une rivière sur les bords desquels s’installaient toutes sortes de marchands. Après avoir fait tous ses achats, le vieux bien juché sur le dos de la bête, cheminait lentement et au bout d’une dizaine de kilomètres, il s’était rendu compte qu’il avait laissé à côté de l’étal d’un boucher, sa précieuse canne. «Dépêche-toi d’aller me la chercher » dit-il à un jeune qui l’accompagnait.
La coutume exigeait que le jeune fasse immédiatement demi-tour vers le marché, à pas de gymnastique si bien qu’au bout d’une heure, il était de retour. Quelle joie pour le vieux d’avoir retrouvé ce qu’il avait de très cher ! Essayons d’imaginer la réaction d’un jeune d’aujourd’hui à qui on demande d’aller chercher et à pied une canne oubliée à une dizaine de kilomètres.
Abed Boumediene