Savoir bien parler, un atout important

A une époque où le langage normal des sages se raréfie

Dans toute société, certains ont eu la chance d’apprendre la langue et jusqu’à ses affinités, d’autres, au contraire ne connaissent que de quoi pouvoir communiquer alors qu’une catégorie sont taciturnes quand ils ne débitent pas dans leurs moments de colère, des insanités.
A l’époque où le portable a pris le dessus, où les discussions se limitent à exprimer les besoins les plus élémentaires, il est difficile de parler de langage tant les données sont disparates. C’est un domaine qui a beaucoup évolué dans le mauvais sens. Jadis, il y avait une certaine unité, les générations vivaient ensemble et sous le même toit, il y avait, le père, ses enfants, ses petits-enfants ; il y avait presque une certaine unité dans le langage. Maintenant, avec l’éparpillement des familles, il devient difficile de se retrouver car la différence est partout : dans les comportements, la tenue vestimentaire et surtout dans le langage.
Le langage est quelque chose qui s’acquiert au fil du temps au contact des parents, des maîtres d’école, des gens du quartier et de tous ceux qui ont un rapport avec nous. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui où chacun apprend son langage dans son coin avec ses connexions, ses fréquentations, ses désirs personnels. Ainsi s’est développé le langage vulgaire, un langage de tous les jours, de la rue, du garçon de café, du marchand de poissons, des petites gens qui perpétuent un langage décoloré et juste suffisant pour exprimer ses besoins élémentaires. Quant aux vulgarités, ce sont les insanités ou les grossièretés, c’est le langage des voyous qui ont appris à se lancer des obscénités après s’être bagarrés ou s’être proférés des menaces.
Ce langage d’un niveau le plus bas n’appartient qu’à cette catégorie de gens qui n’ont pas du tout le sens de la communication. Il s’agit d’individus limités, ils n’ont pas de niveau, s’ils ne sont pas en compagnie de leurs semblables, ils s’isolent quand ils ne réagissent pas par le langage de la violence. Le langage des sages est d’une toute autre tenue. Le sage qui se traduit en arabe par philosophe est quelqu’un de bien éduqué et qui acquis les bonnes manières au contact de personnes qui ont le sens du respect et des convenances sociales. Généralement, ils ont un niveau d’instruction qui leur a permis de mûrir, certains sont raisonnables de nature, d’autres le deviennent par une bonne éducation.

Langage commun, moyen
de communication de tous
Toute société est composée de classes qui se distinguent par le mode de vie, les conditions matérielles, le niveau de connaissances et mental. Mais cela ne les empêche de cohabiter dans le même pays, le même quartier parce que la vie est ainsi faite. Des groupes d’amitié se sont constitués en fonction des affinités, ou par des intérêts réciproques et ceci est naturellement valable partout. Ceci a donné naissance à des groupes linguistiques qui se traduisent par une différence de niveau de langue. Dans tous les pays, il y a une langue commune avec un vocabulaire accessible à tous, une grammaire, un rituel formé d’une série d’expressions et de formules de politesse qui permettent aux gens de vivre en bonne intelligence, de se rapprocher pour rendre la vie agréable. Autrement dit, la société a ses règles de conduite, sa morale, son code juridique que chacun est tenu de respecter pour permettre au milieu de s’humaniser.
Sans le respect de cet ensemble établi depuis la nuit des temps et amélioré au fil des générations, la vie serait impossible et ça serait la jungle. Le langage joue un rôle primordial dans le rapprochement des individus. Heureusement qu’il y’a le langage commun que tout le monde pratique et comprend, c’est le langage des liens de toutes sortes, celui de tout le monde qui s’assemble parfois dans la rue, devant le commerçant et partout ailleurs où peut se rencontrer pour discuter de tout et du quotidien. C’est ce qu’on appelle le langage populaire dans toutes ses variétés lexicales et sémantiques.
Malheureusement, se greffent le langage vulgaire et les vulgarités. Mais là-dessus, il y a plusieurs acceptions dans le langage vulgaire. Il y a le langage vulgaire de ceux qui ont un niveau très bas de langage, ces utilisateurs de la langue populaire n’ont pas le niveau nécessaire qui leur permettent de communiquer dans le respect des normes surtout lexicales et syntaxiques. C’est le parler imprécis de gens qui ont négligé l’apprentissage de la langue ou qui n’ont pas été mis durant leur existence dans des situations favorables, avec de bons interlocuteurs qui les auraient entrainés à une meilleure assimilation des phrases et du vocabulaire nécessaire pour avoir une base. Imaginons deux personnes, l’une mise constamment au contact de gens ayant la maîtrise du parler populaire, c’est-à-dire parlant aisément de l’actualité et capable de raconter des anecdotes pour faire rire pour détendre les situations de communication.
Une autre personne tout le temps coupée du monde, telle une femme enfermée pendant des décennies au foyer et ne s’occupant que des tâches d’intérieur, elle est incapable de soutenir une discussion avec un partenaire habitué à communiquer. Il existe un nombre considérable de gens de cette catégorie, hommes et femmes, en totale déconnexion avec le monde qui les entoure.

Les vulgarités appartiennent aux déclassés, marginaux, individus violents, voyous
C’est une catégorie marginalisée dans toutes les sociétés, elle a un langage spécifique émaillé de mots grossiers que la morale sociale interdit. Quiconque ose transgresser les règles imposées en milieu public en proférant des insanités à tous vents est coupable d’agression et mis à l’index à vie. Dans l’univers des marginaux, ils sont libres à condition qu’ils ne portent pas atteinte aux gens de bonne famille éduqués, polis, corrects à tous égards. Cependant, la plupart de ces individus ne sont pas responsables de leur dévoiement et on a tort de leur jeter la pierre.
Dans leur immense majorité, ils n’ont pas reçu une éducation convenable et n’ont pas acquis les connaissances élémentaire, d’abord en langue, c’est des individus qui n’ont pas suivi l’école normalement par la faute de leurs parents défaillants, s’ils n’ont pas été orphelins. Ils sont beaucoup plus à plaindre qu’à blâmer. Ils n’ont pas reçu une éducation qui leur permette de bien comprendre la différence qu’il y a entre le langage soutenu des gens bien élevés et le langage ordurier.
Quelquefois, si des gens de leur espèce, surtout parmi les jeunes se sentent obligés de répondre à des questions, ils répondent par des vulgarités. Il s’agit d’individus qui ont beaucoup sur le cœur et qui n’arrivent pas à s’exprimer parce qu’ils n’ont aucun moyen de communication, ils s’extériorisent par la violence. Mais chacun de ceux qui sont coupables de vulgarités est un cas particulier ou plutôt un cas pathologique.

La langue des sages ou de facture soutenue
Dans toutes les langues, on trouve cette dichotomie langue soignée et langue relâchée. La langue des sages est d’un niveau élevé par rapport à la langue commune, parlé par toutes les catégories sociales. Dans la tradition, il y avait cette catégorie de gens bien éduquée, gardien du temple sacré. Par temple sacré, on veut parler du patrimoine moral, et culturel de la communauté. Il s’agit des règles sacrées auxquelles tout le monde est soumis, pour la bonne marche de la vie en société. Il faut une foi en les valeurs ancestrales et des lois sans lesquelles une société ne peut pas fonctionner.
Les valeurs essentielles sont le travail créateur des moyens de vivre, le respect d’autrui et des principes de conduite, puis la solidarité. Mais là n’est pas le sujet, puisque nous voulions parler de la langue soutenue des sages. Qu’est-ce qu’on entend par langue soutenue chez nous, par exemple, c’est celle des poètes qui construisent des textes en vers avec beaucoup de métaphores et dans la langue populaire qu’ils avaient pris soin de travailler pour relever le niveau. C’est la langue des maximes, proverbes, dictons populaires que les sages d’antan ont inventés pour éclairer tout le monde dans leur conduite au quotidien.
Dans les pays africains, les sages qui possédaient la langue soignée s’appellent les griots qui se mettaient sous un grand arbre, cela fait partie de leurs traditions, pour parler aux jeunes afin de les initier aux belles paroles, aux vers et à toutes les citations comme les dictons populaires qui ont une valeur d’actualité. Chez nous comme partout ailleurs, la langue des sages est en voie d’extinction.
Abed Boumediene