Un projet stratégique pour l’Algérie, mais devant s’insérer, pour sa rentabilité dans le cadre de la filière internationalisée

L’exploitation du fer de Gara Djebilet

Au moment où j’étais jeune conseiller et directeur d’études au ministère Industrie/Energie entre 1974/1980, nous avons étudié la faisabilité du projet de fer de Gara Djebilet et depuis le projet avait été toujours en gestation. Nous étions dans une conjoncture économique mondiale particulière, loin de l’annonce de l’actuelle quatrième révolution industrielle. Avec les nouvelles technologies le fer est concurrencé par d’autres matières premières dont celles issues des hydrocarbures (par exemple carrosserie de voitures, tuyaux de canalisation ect..) et sont apparues de nouvelles techniques notamment dans la construction qui peuvent économiser entre 20/30% de ciment, de rond à béton et surtout l’énergie, influant sur la demande des produits sidérurgiques traditionnels.

Existaient à cette époque deux options : nous pouvions évacuer le minerai par l’Atlantique via la Mauritanie et ce avant le conflit au Sahara occidental, soit construire le complexe sidérurgique de Marsat Hadjaj (Daïra Arzew/Oran) si on réalisait la voie ferrée (Tindouf-Béchar) dont est tributaire tout le développement tout en modernisant l’axe Bechar/Oran . L’objet de cette présente contribution sur le fer de Gara Djebilet, tout en se félicitant de la relance de ce projet qui permettrait selon le Ministère des Mines d’économiser deux milliards de dollars (source APS 04 mars 2021) est tant d’éclairer l’opinion publique et les décideurs du pays sur un sujet stratégique sensible, devant éviter les erreurs du passé

1.- Élément chimique utilisé depuis la préhistoire, le fer compose 5% de la croûte terrestre, les alliages contenant du fer étant utiles dans l’alimentation, les médicaments mais surtout pour la fonte et tous les produits de la sidérurgie, environ 98% étant destiné à l’acier, dont 70% de matières premières brutes et 30% à partir de la ferraille. Le minerai de fer est une roche contenant du fer, généralement sous la forme d’oxydes, comme l’hématite. Les minerais de fer ont une teneur en fer variable selon le minéral ferrifère ; sachant également que l’isomorphisme, presque toujours présent dans les minéraux naturels, réduit la teneur théorique. Par rapport à leur teneur en fer, les minerais sont classés en : minerais pauvres : Fe = 30 %, en minerais moyens : Fe = 30 % ÷ 50 % et en minerais riches : Fe 50 % .Pour obtenir du fer de haute pureté, on peut soit purifier un sel de fer et en extraire ensuite le fer métallique par une opération de réduction chimique ou électrolytique, soit purifier directement un échantillon de fer métallique. Dans chaque cas, plusieurs méthodes de purification peuvent être utilisées, mais aucune ne permet à elle seule d’obtenir un fer très pur. Chaque procédé élimine plus spécifiquement certaines impuretés et les meilleurs résultats sont obtenus en combinant judicieusement plusieurs purifications. On peut résumer le processus d’extraction et de traitement des terres rares de la manière suivante:
1re étape : extraction, le plus souvent à ciel ouvert ;
2e étape : broyage du minerai en une fine poudre ;
3e étape : séparation des métaux rares du reste du minerai ; la méthode la plus courante est la flottation qui utilise beaucoup d’eau et de produits chimiques ainsi qu’une importante quantité d’énergie. La concentration en terres rares à la fin de la seconde étape est faible (entre 1 et 10%) ; elle est grandement améliorée à l’issue de la 3ème étape (entre 30 et 70 %) en laissant d’énormes quantités de résidus : il s’agit d’une mixture composée d’eau, de produits chimiques et de minéraux terreux. Ces déchets sont généralement abandonnés dans des réservoirs naturels ou artificiels entourés de digues, ce qui constitue un risque de pollution à court et long terme.
Dans la plupart des cas, ces déchets contiennent des substances radioactives (uranium, thorium et autres déchets), des fluorures, des sulfures, des acides et des métaux lourds. Ce type de stockage peut avoir des conséquences environnementales désastreuses (pollution des sols et de l’eau) à cause de la toxicité des résidus s’il s’écroule ou fuit. Plusieurs causes peuvent conduire à cette extrémité : des pluies torrentielles peuvent le faire déborder ; si le stockage n’est pas étanche et si le stockage s’écroule (pluies torrentielles, construction de piètre qualité, tremblement de terre) des conséquences similaires peuvent découler des mines à ciel ouvert abandonnées et des résidus de minerai laissés sur le terrain. De plus, l’extraction et le traitement engendrent également une pollution de l’air due aux poussières toxiques (substances radioactives, métaux lourds) qui se dégagent si des mesures adéquates ne sont pas prises. Le lessivage des constituants toxiques, tels que l’arsenic, le sélénium et les métaux, peut se produire même si les conditions acides ne sont pas présentes.
Des niveaux élevés de composés contrôlés, le drainage d’acide de mine peut se déverser dans les ruisseaux ou les rivières ou encore dans les eaux souterraines. Le drainage d’acide de mine peut provenir de n’importe quelle partie de la mine où les sulfures sont exposés à l’air et à l’eau, y compris des tas de déchets de roches, des résidus, des mines à ciel ouvert, des tunnels souterrains et des coussins de lixiviation. Aussi, la capacité de drainage de l’acide minier est une question-clé. La réponse déterminera si un projet minier proposé est acceptable pour l’environnement. Les effets sur la qualité de l’eau et de la disponibilité des ressources en eau dans la zone du projet constituent peut-être l’impact le plus important d’un projet d’exploitation minière. Les questions clés sont de savoir si les fournitures en eau de surface et en eaux souterraines resteront appropriées à la consommation humaine, et si la qualité des eaux de surface dans la zone du projet restera adéquate pour supporter la vie aquatique et la faune terrestre native. Les besoins énergétiques de l’activité minière sont largement dépendants du type de mine d’où sont extraites les matières premières recherchées. Ils sont plus importants dans le cas de l’activité minière souterraine du fait des opérations de transports des matériaux vers la surface, du pompage des eaux, de la ventilation, de la climatisation des galeries. Une étude a établi un comparatif pour la consommation d’énergie suivant le type de mine de 5 à 10 kW/t de matière première pour une mine à ciel ouvert et de 20 à 50 kW/t de matière première une mine souterraine( au-delà de 5000 mètres), soit environ 4 à 5 fois plus d’énergie consommée pour une mine souterraine que pour une mine de surface. Bien entendu, la profondeur à laquelle on extrait les minéraux influe fortement sur la quantité d’énergie et de matières premières à mettre en œuvre pour les ramener à la surface. Quand on parle d’extraction ultra-profonde (au-delà de 5 000m), que ce soit en souterrain ou au fond des mers, on comprend bien que la quantité d’énergie et de matériel à mettre en œuvre va également croître de manière très importante.
L’énergie nécessaire à l’extraction et au traitement des minerais est le point le plus important à mettre en avant dans l’empreinte environnementale de l’activité minière. Concernant les sidérurgies, et c’est une moyenne, variable, pour la consommation d’électricité, les fours les plus performants permettant 30 coulées/jour, le maximum étant 7850 coulées /an consommation est de 300/350 kWh/t et la consommation de dioxygène de 30 mètres cubes par tonnes.

2.- La consommation actuelle de minerai de fer est de 2494 millions de tonnes par an pour une réserve estimée à 173 500 millions de tonnes Les principaux pays en référence aux réserves et à la teneur en fer sont le suivants données de 2022: Australie 51000 millions de tonnes de réserves de minerai de fer , dont 27000 en teneur de fer -Brésil réserves 34000 de réserves de minerai de fer, dont 15000 en teneur de fer- Russie 29000 de réserves de minerai de fer , dont 14000 en teneur de fer- Chine 20000 de réserves de minerai de fer, dont 6900 en teneur de fer- Ukraine 6500 de réserves de minerai de fer , dont 2300 en teneur de fer- Canada 6000 de réserves de minerai de fer, dont 2300 en teneur de fer- Inde 5500 de réserves de minerai de fer, dont 3400 en teneur de fer- USA 2700 de réserves de minerai de fer, dont 1000 en teneur de fer- Iran 2700 de réserves de minerai de fer , dont 1500 en teneur de fer-Kazakhstan 2500 de réserves de minerai de fer, dont 900 en teneur de fer. Qu’en est-il pour l’Algérie ? La découverte du gisement de Gara Djebilet date depuis les années 1950 avec les études du Bureau de recherche minière en Algérie en 1953, le Bureau d’investissement en Afrique en 1959, le Service d’études et recherches minières en 1961 jusqu’aux premières tentatives de développement à titre expérimental du site avec l’entrée en scène de la Sonarem après la nationalisation des mines, dont l’effort d’expérimentation a été stoppé net en 1975 suite à la guerre au Sahara occidental. Les avis d’appel internationaux à manifestation d’intérêt lancés par Sonatrach, détenteur depuis 2009 du titre minier (adjudication, exploration) n’ont pas connu le succès escompté.
Professeur des universités
Expert international
Abderrahmane Mebtoul
(A suivre…)