Une importante rencontre pour définir la stratégie gazière dans le cadre de la transition énergétique

7e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement à Alger

Le marché du gaz est, contrairement au pétrole qui est un marché mondial, segmenté géographiquement, étant dû à la prépondérance des canalisations, où la part du gaz naturel liquéfié sur ce marché représente en 2023 environ 35%, et devrait monter à 48% en 2030. C’est dans un contexte de fortes tensions géopolitiques et des nouvelles mutations énergétiques dont les impacts du réchauffement climatique renvoyant au dossier de la transition énergétique, que l’Algérie s’apprête à accueillir le 7e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement à Alger, du 29 février au 2 mars 2024, du Forum des pays exportateurs de gaz représentant 70% des réserves mondiales de gaz prouvées, plus de 40% de la production commercialisée, 47% des exportations par gazoducs et plus de la moitié de la commercialisation du GNL.

Le Centre international d’information sur le gaz naturel – Cedigaz évalue les réserves prouvées mondiales de gaz naturel à 205.507 milliards de m3 au 31 décembre 2022, quasiment stables (- 0,2 %) sur un an. Mais attention, les réserves exploitables se calculent par rapport au coût de production et à l’évolution du prix au niveau international, car un pays peut avoir des milliers de milliards de mètres cubes gazeux de réserves mais dont une fraction n’est pas rentable à l’exploitation. La durée globale des réserves dépendra de plusieurs facteurs, à commencer par la consommation de gaz naturel dans le monde. De nombreux pays sont engagés dans un processus de transition énergétique. Conséquence : leur mix énergétique est amené à évoluer et le gaz naturel, comme les autres énergies « historiques », sera ramené à cohabiter avec des énergies renouvelables. La potentielle découverte de nouveaux gisements est aussi susceptible de faire évoluer à la hausse cette moyenne.
Les dernières statistiques réactualisées pour 2022, selon Sefe Energy.fr donnent par ordre pour les réserves commerciales de gaz : Russie 32.740 milliards de mètres cubes gazeux, l’Iran 32.100 milliards de mètres cubes, le Qatar 24.700 milliards de mètres cubes, le Turkménistan 13.600 milliards de mètres cubes, les USA 12.300 milliards de mètres cubes, la Chine 8.400 milliards de mètres cubes, le Venezuela 6.300 milliards de mètres cubes, l’Arabie Saoudite 6.000 milliards de mètres cubes, les Emiraties 5.900 milliards de mètres cubes, le Nigeria 5.500 milliards de mètres cubes, l’Irak 3500 milliards de mètres cubes, l’Algérie 2.500 milliards de mètres cubes et le Canada 2400.
Les réserves gazières sont très largement concentrées dans les pays du Proche-Orient (40%) et en Europe (33 %), dont 23 % pour la seule Russie. Au 31 décembre 2022, le ratio mondial des réserves sur la production commercialisée ressort à environ 50 années, au rythme de la production de l’année 2022.
Le demande mondiale de gaz devrait augmenter de façon constante dans les 20 prochaines années, dans un contexte de réserves abondantes et d’une utilisation accrue du gaz pour produire de l’énergie, une hausse de la demande mondiale de gaz d’au moins 2% par an, pendant plusieurs décennies, ce qui devrait porter cette demande à 4.500 milliards de mètres cubes de gaz par an d’ici 2030 contre 3861 en 2020 et 4036 en 2021 et 4050 entre 2022/2023 où la part du GNL horizon 2030 est prévu 45% contre environ 35% actuellement. On ne doit pas confondre réserves de gaz avec la production : exemple pour l’Algérie, 15/20% de ce qui est produit doit être réinjecté dans les puits pour éviter leur dessèchement, une part de la production commercialisable étant destinée à la demande intérieure, et une autre part exportable. Pour la production au niveau mondial en 2022 nous avons par ordre décroissant : USA 21.027 milliards de mètres cubes gazeux, la Russie 699 milliards de mètres cubes, l’Iran 244 milliards de mètres cubes, la Chine 219 milliards de mètres cubes, le Canada 205 milliards de mètres cubes, le Qatar 170 milliards de mètres cubes, l’Australie 162 milliards de mètres cubes, la Norvège 128 milliards de mètres cubes, l’Arabie Saoudite 105 milliards de mètres cubes, l’Algérie 102 milliards de mètres cubes, mais possédant la troisième réserves mondiale de gaz de schiste environ 19.500 milliards de mètres cubes gazeux, la Malaisie 76 milliards de mètres cubes et l’Egypte 68 milliards de mètres cubes.
Entre fin 2022 et fin 2023, nous avons la structure suivante de l’approvisionnement du marché européen par canalisation : Norvège 2022, 46,1% et fin 2023 54% – Russie 2022 17,4% et en 2023 à 17% – Algérie 2022 13,4% et en 2023 à 19%, l’Algérie couvrant près de de 40% de la consommation italienne et étant devenu pour l’Espagne fin 2023 le premier fournisseur avant les USA et la Russie.
Pour le GNL, nous avons la structure suivante au 1 janvier 2023 :USA 40,2% ; Russie 13,2% ; Qatar 13,1% ; Algérie 6,7% ; Norvège 6,6%. – L’Algérie doit être attentive au marché européen son principal client où que l’Union européenne dépend de ses importations pour 55,5% de sa consommation d’énergie, bien qu’elle ait réduit sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes, ce pays s’orientant désormais vers l’Asie la Chine et l’Inde, en ramenant les importations de gaz de 155 milliards de m³ en 2021 à environ 80 milliards de m³ en 2022 et, selon les estimations, à une fourchette comprise entre 40 et 45 milliards de m³ en 2023.
La commission européenne se propose de réduire sa demande de gaz de plus de 18% par rapport aux cinq années précédentes, économisant quelque 53 milliards de m³ de gaz, les objectifs législatifs ayant été fixés à une part minimale de 42,5 % d’énergies renouvelables dans l’UE d’ici à 2030, l’ambition étant d’atteindre une part de 45 %. Les objectifs d’efficacité énergétique ont également été revus à la hausse, afin de réduire la consommation d’énergie finale de 11,7 % d’ici à 2030. Ainsi, l’Algérie est devenu un acteur majeur dans l’approvisionnement en gaz de l‘Europe avec 35 milliards de mètres cubes gazeux le Transmed dont la capacité est de 33 milliards de mètres cubes gazeux, exportation environ 24,5 milliards de mètres cubes gazeux, la plus grande canalisation d’une capacité de 33 milliards de mètres cubes gazeux vers l’Italie via la Tunisie fonctionnant en sous capacités et Medgaz Algérie Espagne début étude 2001 fin 2002/203 opérationnelle 1 mars 2011 pour 8,5 milliards de mètres cubes gazeux et depuis septembre 2021 est passé après extension à 10,5 milliards de mètres cubes gazeux.
L’Union européenne (UE), principal client, de l’Algérie est prête à consolider et à développer davantage un partenariat énergétique celle-ci ayant toujours été un fournisseur important et fiable de gaz naturel pour l’UE.
Par ailleurs, l’Algérie est devenu le premier exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL) en Afrique devant le Nigeria en 2023, qui a exporté 12,8 millions de tonnes de GNL en 2023, un volume en baisse de 9,9% comparativement à 2022, les principaux pays importateurs de GNL algérien étant la Turquie (4,3 millions de tonnes), la France (3,2 millions), l’Italie (1,8 million), l’Espagne (1,4 million) et la Chine (0,4 million). Selon un rapport publié le 28 janvier 2024 par l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP), l’Afrique compte sept pays exportateurs de GNL (Algérie, Nigeria, Egypte, Angola, Cameroun, Mozambique et Guinée équatoriale) qui représentent ensemble environ 15,5% de la capacité de production mondiale de ce combustible fossile. Parallèlement à l’efficacité énergétique, des partenariats gagnant-gagnant pour de nouvelles découvertes, Sonatrach devant investir environ 40 milliards de dollars durant les cinq prochaines année, dans le cadre à la fois d’exportation et faire face à la forte consommation intérieure presque l’équivalent des exportations( 45% de la production) renvoyant au dossier complexe des subventions, des contacts et des contrats sont en cours pour le développement des énergies renouvelables combinant l’Énergie hydraulique, l’Énergie éolienne, l’Énergie solaire. (3000 heures de soleil) la Biomasse et la Géothermie et le développement de l’hydrogène vert et bleu (10/15% d’exportation en direction de l’Europe horizon 2030. Pour renforcer sa capacité de l’approvisionnement de l’Europe, l’Algérie mise deux projets stratégique mais qui sont conditionnée par leur rentabilité et l’accord de l’Europe et un éclaircissement de la position du Nigeria : premièrement, sur le Nigal gazoduc Nigéria-Niger-Algérie-Europe, d’une capacité de 33 milliards de mètres cubes gazeux mais reste la résolution du conflit Nigeria-Niger qui ne veut pas approvisionner le Niger dans le cadre des sanctions de la Cédéao. Ce projet évalué en 2021 par la commission européenne d’environ 20 milliards de dollars avec un délai de moins de 5 ans contre environ 10 milliards de dollars vers les années 2012.
Le deuxième projet est celui de Galsi, via la Sardaigne et la Corse, gelé depuis 2012 et qui annonçait alors une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux pour un investissement de 3 milliards de dollars, coût de 2012, devant être relié à la Corse (cf. conférence du Pr A. Mebtoul à la CCI de Corse et son déplacement en Sardaigne pour défendre ce projet) qui vient d’être remis à l’ordre du jour courant 2023.

En conclusion, les tensions géostratégiques, les nouvelles mutations économiques mondiales dont l’intelligence artificielle qui selon les rapports internationaux déclassera pour environ 60/70% les emplois traditionnels, les mutations énergétiques le bouquet énergies renouvelables, hydrogène et gaz naturel devant représenter 70% du bouquet énergétique entre 2040/2050, ce bouleversement mondial intimement lié aux impacts du réchauffement climatique (catastrophes naturelles, incendies, inondations, pénuries d’eau douce) influe sur les méthodes de gestion des États, le monde s’orientant vers un monde fragmenté multipolaire marqué par des incertitudes.

Abderrahmane Mebtoul
Docteur d’Etat
Professeur des Universités,
Expert international