Chutes mortelles aux chantiers

Blida

Le phénomène de la non-déclaration des ouvriers engagés dans des chantiers de construction auprès de la Caisse de sécurité sociale semble se perpétuer, notamment dans les villes qui vivent au rythme de grands projets structurants.

Les chiffres relevés par la direction de la santé sont en tout cas alarmants. Ainsi, 79% des ouvriers des chantiers du secteur du BTPH travaillent au noir et ne bénéficient d’aucune protection sociale, et ce, sans parler des conditions pénibles dans lesquelles ils sont contraints de travailler. Pourtant, cette catégorie de travailleurs est souvent exploitée et sous rémunérée. Pire encore, ils sont exposés à de multiples dangers, parfois mortels. A ce propos et selon les services des urgences médicochirurgicales du CHU d’Oran, en un mois seulement 15 accidents dus à des chutes de niveaux supérieurs de bâtiments en cours de construction ont été enregistrés. Ces derniers ont fait 9 morts dont l’âge varie entre 19 et 60 ans. Le dernier en date est survenu, avant-hier soir, coûtant ainsi la vie a un homme âgé de 60 ans et qui a rendu l’âme, suite à une chute dans un chantier à Bouinan. Cette victime vient ainsi allonger une liste particulière des accidents de travail, celle du domaine du bâtiment et qui concerne tout précisément les maçons et manoeuvres. Il faut toutefois rappeler le domaine du bâtiment a connu un essor particulier et ce, avec la construction d’un million d’habitations, mais n’a pourtant pas bénéficié des mêmes égards que les autres activités et encore moins d’une certaine reconsidération conceptuelle. En effet, ce domaine du conjoncturel reste un peu celui du travailleur nomade de passage qui va vivre le temps de la genèse de son oeuvre et disparaître de son décor. «Les inspecteurs du travail contrôlent-ils vraiment ces chantiers de construction ?», s’interroge un observateur en faisant remarquer que de nombreux chantiers à travers la wilaya de Blida ne respectent pas les normes de sécurité. «Le fait est que ces manoeuvres, généralement sans aucune instruction, sont utilisés pour ériger des tours en ville et personne ne se soucie de l’application du droit du travail, à commencer par le droit à leur déclaration», fera-t-il encore remarquer. Selon plusieurs rapports établis par les organismes s’intéressant à la question, 750 à 800 décès de travailleurs sont enregistrés annuellement, suite à des accidents à l’échelle nationale. Outre ces décès, l’on note que plus de 50.000 accidents de travail sont enregistrés, chaque année, dans plusieurs secteurs d’activités dont 4.000 dans le seul secteur du bâtiment. Et la nette augmentation du nombre d’accidents du travail relevée est due essentiellement au manque de moyens de prévention et de sécurité. Et dire que l’Algérie est dotée d’une base solide en matière de législation dans le cadre de la médecine du travail, de la prévention et de la protection sociale des travailleurs. Par ailleurs, il faut savoir que les services de la CACOBATH (Caisse nationale des congés payés et du chômage, des secteurs du bâtiment des travaux publics et de l’hydraulique) ont recensé 50.000 travailleurs non déclarés et 7.192 autres sous payés en 2022. Ces infractions ont été relevées, suite à des visites inopinées effectuées par des contrôleurs de la caisse dans plusieurs entreprises durant l’année 2022, selon le responsable de cet organisme dans une déclaration. S’agissant du premier délit portant sur la non-déclaration des ouvriers, le travail d’inspection a été opéré sur 17.870 entreprises à travers 8.032 chantiers. Pour ce qui est du second délit en rapport avec le sous paiement et selon ce même responsable, il a été recensé 7.192 travailleurs du secteur du BTPH dont le salaire est au-dessous du salaire national minimum garanti (SNMG). L’autre chiffre inquiétant révélé par le responsable de la CACOBATH, ce sont les 4.940 entreprises privées du BTPH qui exploitent ses travailleurs.

Rachid Lounas