«Je ne suis pas un héros, je ne suis personne»

Alfredo Di Stéfano :

Chaque génération a ses héros et ses légendes, et le monde du football continue d’évoluer avec de nouveaux talents qui pourraient bien devenir les légendes de demain. Le football est un sport qui transcende les frontières et les différences culturelles, rassemblant les gens autour d’une passion commune pour le jeu et l’admiration des plus grands joueurs de tous les temps.

Nous nous sommes intéressés à cette star mondialement connue. Lorsque le journaliste espagnol Javier Prieto-Santos posait la question à Alfredo Di Stéfano «Quel souvenir gardez-vous de votre enfance». Il lui répondit «Les souvenirs de mon enfance ? Mon Dieu, ça remonte à un siècle tout ça ! (rires) À 6 ou 7 ans, je jouais déjà au football dans les rues de Barracas, mon quartier de Buenos Aires. On jouait à côté de notre école : tous les gamins la surnommaient la «Pisahuevos» (l’écrase-œufs, ndlr). J’ai eu une enfance heureuse, nous ne vivions pas dans la misère, même si mes parents étaient des gens plutôt modestes. Mon père travaillait pour une entreprise qui collectait des céréales. À l’époque, tous ceux que je côtoyais étaient des ouvriers. Les «richards», je les ai connus après».

Son histoire
«Dès l’âge de 5 ans, disait-il, je jouais dans les couloirs de la maison. Je m’amusais à dribbler les meubles. C’est en jouant dans des espaces réduits très jeune que j’ai développé ma technique. Ensuite, j’ai joué sur les potreros (terrains vagues, ndlr), et là aussi, j’ai affiné ma technique». «Plus loin il raconte l’effet de jouer pour la première fois sur du vrai gazon, les seuls obstacles qu’il y avait, c’étaient les adversaires… C’était bizarre». Les joueurs qui apprennent sur des surfaces difficiles sont plus talentueux que les autres, il n’y a aucun doute là-dessus. Ils dominent mieux le ballon. Quand l’Argentine a connu un boom économique, la qualité technique s’en est nettement ressentie.

Un travail au quotidien que ce soit à l’école ou à l’entraînement
La majorité des internationaux ont eu des situations pas faciles et personne ne pouvait augurer à ses enfants des lendemains en Or. Mais l’amour du foot, l’envie de taper sur le cuir, endosser des maillots de stars, est un rêve, un rêve qui deviendra ensuite réalité. Tout cela doit obligatoirement passer par le travail. Un travail au quotidien que ce soit à l’école ou à l’entraînement. En pré-formation, l’école et le foot étaient liés. Si tu faisais n’importe quoi à l’école, tu ne t’entraînes pas et tu ne jouais pas. Il fallait rester concentré 24h/24 et 7 jours sur 7. On apprend aussi du caractère des autres et du comportement des autres.

«Je surveillais parfois des vaches, mais je n’étais pas berger»
«À mon époque, Buenos Aires respirait le football par tous les pores. Il y avait des matchs de football à tous les coins de rue. Et puis il y avait énormément de gamins. Dans n’importe quel stade, du moment qu’il y avait un match de football. Le football dictait la vie des quartiers et celle des ouvriers». Et d’exprimer par suite comment le football façonne les footballeurs je travaillais dans les champs, et je surveillais parfois des vaches, mais je n’étais pas berger disait-il. Sa vie était aussi celle d’une famille paisible.

Une simple boîte de conserve vide faisait mon affaire
«En plus des céréales, mon père avait aussi 200 vaches à sa charge, j’étais donc un peu obligé de l’aider pour le soulager un peu. Je faisais la traite». A la question de savoir s’il avait aussi l’occasion de traire une vache ? Il répondra en toute simplicité «C’est assez bizarre et assez fatigant…Quand j’ai eu 14 ans, j’ai arrêté l’école définitivement parce que mon père avait de plus en plus de travail dans les champs. Le fils du patron devait montrer l’exemple et poursuivre. Quand tu es dans les champs, tu n’as pas le temps de jouer. Il faut semer, récolter, ramasser, traire…C’est très prenant. Mais dès que je voyais quelque chose qui pouvait me servir de ballon, je ne me gênais pas. Une simple boîte de conserve vide faisait mon affaire».

Une aventure à l’état pur
Ce qui est frappant dans le récit de cette star. C’est sa franchise, il a évoqué sans détour. Ce qui a froissé sa vie privée tout au long de son enfance. «Au bout d’un certain temps, raconte-t-il, mon père m’a laissé intégrer l’équipe du village Los Cardales, où se situaient les champs, et là j’ai pu jouer avec un vrai ballon.
Le dimanche, on affrontait des équipes d’autres villages. Pour y aller, on prenait le train, pour moi c’était complètement fou. Une aventure à l’état pur. Je n’ai jamais pensé à autre chose. Je voulais jouer au football, même en amateur. Je ne me suis jamais posé la question de savoir comment j’allais gagner ma vie, donc si le football n’avait pas pris l’ampleur que nous connaissons aujourd’hui, je ne sais pas ce que j’aurais fait. Pour moi, la profession de footballeur n’existe pas. La seule chose qui existe, c’est l’enthousiasme de jouer».
Buenos Aires pour demander aux jeunes de passer des sélections
«Mon père avait joué attaquant là-bas et il avait gardé des contacts au club. Mais je n’ai pas été pistonné. En fait, plusieurs clubs faisaient le tour des quartiers de Buenos Aires pour demander aux jeunes de passer des sélections. J’avais eu deux propositions avant celle de River, mais ça ne m’intéressait pas et surtout, je n’avais pas le temps d’y aller à cause de mon travail dans les champs. Un jour, un ami de mon père qui travaillait pour River est venu le voir et lui a demandé s’il pouvait me libérer quelques heures le temps qu’il me supervise un peu. Et me voilà devant toi».

En résumé
«Je ne suis pas un héros, je ne suis personne», disait-il au journaliste espagnole. C’est dire que leur style de jeu unique, leur charisme sur et en dehors du terrain et leurs moments mémorables resteront à jamais gravés dans les mémoires des passionnés de football. «En tant que fans, nous avons la chance de vivre à une époque où nous pouvons admirer ces légendes du football et nous inspirer de leur succès», avouait un fan du foot.

Synthèse de H. Hichem