Le trabendo : le cancer de l’économie du pays

Un phénomène ancré dans nos mœurs

Le trabendo ou l’informel, deux termes qui marchent vraiment ensemble, sont, de nos jours, ancrés parfaitement dans nos mœurs. Ce phénomène n’est malheureusement pas un tabou à Annaba et dans d’autres villes du pays où il existe sous toutes ses formes.

En effet, la ville a perdu désormais son charme avec ses centaines de charrettes de fruits et légumes comme aussi la vente par terre de produits cosmétiques, vêtements, chaussures et produits agroalimentaires. Ces activités clandestines échappent entièrement au fisc sans supporter les charges et envahissent le centre-ville de Annaba en portant un réel préjudice aux commerçants légalement constitués. En leur livrant une déloyale concurrence, constate-t-on, choquant au début, les magasins étalant la friperie sont d’ores et déjà entrés dans les mœurs des consommateurs algériens. De toute évidence, les principaux quartiers de la ville essentiellement au niveau du marché El Hattab, la rue Gambetta et les rues Ibn Khaldoun, Emir Abdelkader, Boutkouta Hocine, Larbi Tebessi et sur les places Houami Hacéne, Champ de mars, Ibn Badis qui sont les plus prisés puisque quotidiennement, ils sont pris d’assaut par les vendeurs à la sauvette qui ne cessent de se multiplier un peu partout dans la wilaya. A Annaba, c’est devenue désormais un gain rapide et un marché incontrôlable dispersé à travers plusieurs zones de la ville.
Beaucoup d’entres eux sont des jeunes et moins jeunes qui poussent des charrettes occupant ainsi les chaussées dans plusieurs endroits comme à La colonne, La plaine ouest, Bouhdid, 11-Décembre 60 et aussi dans les communes d’El Bouni Sidi Amar, El Hadjar. Bloquant ainsi toute circulation aux piétons et aux automobilistes qui trouvent une grande difficulté à rouler au centre-ville. Certes, le marché est inondé de fringues de toutes sortes, jeans, tee-shirt, shorts, robes et chaussures. Vendeurs et clients y trouvent en effet leur compte. D’autres par contre transforment certaines artères en véritables bazars à ciel ouvert. Si la plupart des trottoirs sont pris en otages, c’est particulièrement à cause du chômage qui a atteint son apogée mais aussi du fait que des milliers de travailleurs vivent actuellement des situations extrêmement difficiles, des mois sans salaires quand ce n’est pas le licenciement ou le départ volontaire.
La situation s’est aggravée avec le nombre croissant d’adolescents exclus du système scolaire. Paradoxalement, la vente informelle de son côté reste la seule voie ouverte pour ces pères de familles ou ces jeunes qui vivent assez mal cette situation. Dans cette optique, il faut savoir que les deux tiers des consommateurs algériens préfèrent acheter au niveau des marchés informels où les prix des produits proposés sont bas et constitués majoritairement de produits importés (80%), et on estime un nombre de 1 500 marchés à l’échelle nationale. D’après les estimations, l’Etat avait perdu en 2009 plus de 250 milliards de DA en matière de recouvrement d’impôts. En outre l’informel qui vit notamment des importations et surtout de la contrebande a pu élargir ses activités vers l’immobilier et le tourisme avec l’apparition de plusieurs agences touristique et immobilières illégales. Sur ce volet, il a été constaté une prolifération extrême de vendeurs à la sauvette qui sont décidés à tenter l’impossible pour faire vivre leurs familles en ramassant un misérable fonds de poche. Cette tranche de trabendistes offre un décor désolant dans ces ruelles mouvementées du chef-lieu de wilaya.

L’Etat devrait mettre le paquet pour maîtriser la situation
A chacun son terrain dans ce commerce informel qui emploie plus de un million de personnes à travers le pays et représente un chiffre d’affaires de plusieurs milliards. Le ministère du Commerce avait annoncé déjà que des infrastructures commerciales soit 267 marchés de gros dont 235 marchés de détail de fruits et légumes sont en cours de réalisation à travers tout territoire pour un montant de 5,9 milliards de DA. Cet important programme a permis la réhabilitation de 9 marchés de gros de fruits et légumes de 2009 à 2011 dans principalement les wilayas de Batna, Tébessa, Tiaret, Mostaganem, Mila, Guelma, Mascara et Ain Témouchent. Le concept de l’informel c’est que beaucoup de gens n’ayant pas pu accéder à un emploi se versent dans le marché informel qui est actuellement en augmentation constante en Algérie.
Non seulement, les trottoirs sont squattés mais ils sont partagés par ces vendeurs, ils imposent leur diktat et chacun s’approprie un bout de trottoir. Il y a ceux qui vendent des cigarettes de toutes marques et qui sont exposées sur de petites tables de fortune, d’autres enfants proposent des sachets en plastique dans les différents marchés de fruits et légumes de la ville. Il y a ceux qui revendent des effets vestimentaires, d’autres des produits alimentaires ou du pain dans des chariots. Parallèlement, on croise une multitude de marchands ambulants qui colportent différentes marchandises métamorphosant ainsi la quasi-totalité des boulevards en souks illicites.
Les plus chanceux, ce sont les vendeurs de fruit et légumes qui possèdent des camionnettes et qui sillonnent dés les premières heures du matin les cités de la ville, ce qui ne fait pas que des heureux parmi les habitants et pour cause, le bruit des klaxons pour annoncer leur venue. D’autres ramassent du pain rassis qui sera revendu à un prix dérisoire. Il y a également ceux qui font du troc avec de la vaisselle «cela nous permet de survivre», nous dit l’un de ces marchands ambulants.

Marché sauvage des téléphones mobiles
Sur ce chapitre, il y a lieu d’indiquer que le marché informel qui déstabilise l’économie du pays dont la friperie constitue notamment un business lucratif surtout pour les pays occidentaux ceux qui déversent leurs stocks sur le continent africain tout en rapatriant des milliards de dollars au profit de l’Europe, l’Asie et l’Amérique. L’origine de ces vêtements provient des dons de particuliers ou des invendus de plusieurs magasins étrangers destinés à la Croix-Rouge et aux associations d’aide aux nécessiteux. Ils sont distribués ou vendus selon les cas. Les fonds récoltés suite à la vente sont versés aux hôpitaux et institutions humanitaires. Effectivement ce sont ces dons européens qui sont détournés vers les pays sous développés. Sétif, Tébessa et Constantine abritent d’ailleurs l’un des plus grands marchés de gros spécialisé dans la friperie par containers et ballots, ils sont vendus aux plus offrants après avoir été triés en trois choix, selon la qualité et l’état des vêtements.
A noter que le commerce informel dont la friperie sont devenus une activité commerciale très rentable et pratiquée par de grands commerçants qui à leur tour constituent un réseau très important bien maîtrisé, des points de vente de gros et de détail dans chaque région du pays. Or, depuis quelques années, la ville de Annaba fait face à une situation sociale des plus aiguës due principalement à un double exode rural qui s’est percuté dans la région en lui offrant un tableau de précarité immense. De leur côté, les enfants issus des déperditions du système scolaire s’enfoncent dans l’activité de vente de petits pains devant les marchés de la ville, la vente des boissons gazeuses et des produits alimentaires devant les magasins les plus mouvementés de la localité.
Plusieurs autres jeunes vendeurs sur des tables étalent des produits de détergents et de nettoyage, tous types confondus à des prix abordables pour les bourses moyennes alors que pas très loin à quelques pas d’autres vendeurs en noir proposent plusieurs sortes de parfums féminins contrefaits de grandes marques même à des prix allant jusqu’au 3 000 DA. Bref, le marché informel est devenu de nos jours, la seule source et l’unique gagne pain pour des milliers de familles pauvres de la région. Les importations d’Algérie en matière des téléphones portables et des équipements mobiles à savoir, chargeurs, carcasses et bactéries enregistrent d’ores et déjà une réelle croissance, ces importations ont dépassé le montant de 159 millions de dollars. Ces produits importés proviennent particulièrement de la Chine, Corée du Sud et de l’Inde, indique-t-on. A Annaba, le marché parallèle des téléphones mobile se base à El Hattab où chaque matin des centaines de jeunes proposent des portables à des prix bas dont la majorité provient d’une marchandise volée dans la plupart des cas.
Oki Faouzi