quel programme de relance pour le gouvernement ?

Face à une situation économique et sanitaire complexe, posant la question de la sécurité nationale

Le gouvernement se prépare à livrer son programme socio-économique dans un contexte particulier de grave crise sanitaire et économique. Espérons un plan de relance efficace, loin des idées générales connues avec une quantification précise passant par un bilan lucide afin d’éviter de commettre les erreurs du passé et de tracer les perspectives.

Force est de reconnaître, malgré toutes ses potentialités, et elles sont énormes, la prédominance de la rente des hydrocarbures qui irrigue toute l’économie et le corps social : Sonatrach, c’est l’Algérie et l’Algérie, c’est Sonatrach. Sur le plan géostratégique, la région du sahel connaît un véritable bouleversement géostratégique sans précédent sans compter les tensions au Moyen-Orient notamment en Iran, Syrie, Irak, récemment en Tunisie, et dans d’autres contrées du monde. C’est que les enjeux au Moyen-Orient et au Sahel préfigurent d’importantes reconfigurations qui devraient conduire à de profondes mutations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires. Posant la problématique de la sécurité nationale, cela nécessite un Front social interne solide, tenant compte des différentes sensibilités, grâce à un dialogue productif au profit exclusif de l’Algérie et une réorientation urgente de la politique socio-économique afin d’éviter le drame des impacts des années 1990/1999, conséquence du manque de vision stratégique et de la chute drastique des recettes de Sonatrach principal pourvoyeur de devises.

1.- La politique socio-économique depuis l’indépendance politique rentrant dans le cadre du programme de Tripoli a été menée exclusivement par l’Etat avec plusieurs variantes De 1965 à 1979 avec une orientation exclusive vers l’investissement productif, celle-ci s’est effectuée autour de l’Etat omniprésent sur l’ensemble du cycle : planification, financement, réalisation de l’investissement et production. De 1980 à 1990 la politique a été orientée essentiellement vers les infrastructures BTPH et les activités commerciales. De 1991 à 2000 du fait de la situation particulière qu’a connu l’Algérie avec l’avènement du terrorisme et la cessation de paiement on ne peut à proprement parler de politique de développement mais avec la cessation de paiement des ajustements macro-économiques et macro sociaux extrêmement douloureux du fait des exigences du FMI. De 2000 à 2019 du fait que la demande sociale a été compressée et des destructions massives entre 1990-2019, une politique orientée essentiellement vers les infrastructures.

De 2000 à 2021, du fait de manque de vision stratégique accrue par la crise mondiale et l’épidémie du coronavirus nous avons une économie en léthargie. Paradoxalement, les paramètres macro-économiques de l’Algérie apparaissent comme positifs mais éphémère sans réformes structurelles et les tendances relatives aux grands agrégats révèlent une macro-économie fonction des aléas de la rente des hydrocarbures qui représente 97/98% des exportations totales. La dette extérieure est maîtrisée grâce au remboursement par anticipation, moins de ½% du PIB. Mais plus on diffère les réformes, plus on épuisera les réserves de changes car les données de réserves de change de 44 milliards de dollars fin juin 2021 contre 194 au 1er janvier 2014, ont une signification limitée, la majorité de l’appareil de production étant en hibernation faute d’importations de matières premières (fonctionnant à peine à 50%), sans compter que peu de projets d’envergures structurants ont été lancés, sauf des lettres d’intention. L’Etat a décidé de ne pas recourir à l’endettement extérieur et les IDE sont en nette baisse, devant compter que sur la rente des hydrocarbures.

Cette baisse des importations n’est pas due à une bonne gestion : c’est comme dans un ménage, si on restreint l’alimentation, il y a économie mais le risque de maladies et pour l’Algérie risque d’implosion sociale du fait qu’il faille créer 350.000/400.000 emplois par an qui s’ajoutent au taux de chômage actuel nécessitant un taux de croissance de 8/9% par an sur plusieurs années, la relance des projets anciens et neufs nécessitant uniquement pour 2021, selon différents experts plus de 25 milliards de dollars en devises sans compter la partie dinars. L’Algérie importe 70% des besoins des ménages et des entreprises qu’elles soient publiques ou privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% avec un dépérissement du tissu industriel moins de 6% du produit intérieur brut. Les banques notamment publiques qui concentrent plus de 85% des crédits octroyés se cantonnent en guichets administratifs, ce qui reflète en partie la faible efficacité du système bancaire, mais malade de ses clients notamment les entreprises publiques (assainissement de plusieurs dizaines de milliards de dollars entre1971/2020) 70% étant revenues à la casse de départ montrant que le blocage est d’ordre systémique.

L’économie algérienne étant tributaire essentiellement de la rente de hydrocarbures, l’on a assisté entre 2007/2020 à une baisse en volume physique des exportations tant du pétrole que du gaz environ avec 860 000 barils jour selon l’OPEP en mai 2021, une légère remontée en juin 2021 environ 920 000 barils/j contre plus de 1,2 entre 2007/2008 et 40/42 milliards de mètres cubes gazeux contre 60/65 pour la même période, espérant pour fin 2021 environ 45 milliards de mètres cubes gazeux selon une déclaration d’un ex-ministre de l’Energie fin 2020. La planche à billets d’un montant colossal pour 2021 d’environ 16 milliards de dollars (plus de 2160 milliards de dinars) outre son effet inflationniste, en cas où ces montants ne sont pas destinés à la création de valeur, à l’image du Venezuela, en rappelant l’expérience roumaine communiste, un endettement extérieur zéro mais une économie en ruine, risque d’avoir un effet sur les réserves de change puisqu’en mettant à la disposition des entreprises des crédits en dinars, le taux d’intégration ne dépassant pas 15%, celles-ci ayant besoin de devises, se porteront importatrices.

Pourtant l’Algérie possède encore des ressorts comparée à d’autres pays où l’endettement est très élevé. Certes, les banques locales dépassent 45% du total de leurs actifs bancaires avec une dette publique par rapport au PIB de 63,3%, prévue en 2021, contre 53,1% en 2020, et la dette publique nette totale représentera 60,5%, contre 50,4% en 2020, mais avec une dette extérieure faible, 3,6% et 5,2% du PIB en 2021 et 2022, contre 2,3% en 2020 Sur le plan macro-social, avec la forte pression démographique où la population active dépasse 12,5 millions sur une population totale résidente, 44,7 millions d’habitants au 1er janvier 2021, selon le FMI, le taux de chômage incluant la sphère informelle et les emplois rente, devrait atteindre 14,5% en 2021, et 14,9% en 2022, contre 14,2% en 2020, ce taux dépassant les 20/30% pour les catégories 20/30 ans et paradoxalement les diplômés. Cela est la résultante de la croissance du produit intérieur brut qui détermine le taux d’emploi, en nette diminution, estimé en 2020 à 160 milliards de dollars et selon le FMI de153 milliards de dollars pour 2021. Cela s’explique par la léthargie de l’appareil de production impacté tant par sa structure passée que par l’épidémie du coronavirus, devant créer entre 350.000/400.000 emplois par an qui s’ajoutent au taux de chômage actuel nécessitant un taux de croissance en termes réels sur plusieurs années entre 8/9% selon la Banque mondiale.

Le taux d’inflation est biaisé puisque l’indice n’a pas été réactualisé depuis 2011, le besoin étant historiquement daté. Selon les données de l’ONS, le taux dépasse, cumulée entre 2000/2020, 90% et sera supérieure en cumulant l’année 2021 de 100%, ce qui accroîtra la détérioration du pouvoir d’achat et accélérera les revendications sociales. Ainsi, l’Algérie tente difficilement sa transition d’une économie publique vers une économie de marché à finalité sociale. Du fait du poids de la dépense publique qui irrigue toute la société via la rente des hydrocarbures, l’économie algérienne reste encore une économie essentiellement publique. L’héritage socialiste est fortement présent dans la philosophie et les pratiques de la vie économique et sociale et dans celui de la pérennité de l’entreprise publique. Les ressources du pays sont significatives mais basées sur des rentes qui contribuent à anesthésier les volontés de changement. En dépit de certaines réformes timides – paradoxe plus le cours des hydrocarbures est faible plus on ressent le besoin de réformes, et ralentit lorsque le cours est élevé. La pression démographique rend l’Algérie de plus en plus dépendante des importations qui n’a pas jeté les bases d’un appareil productif capable de satisfaire la demande interne et d’affronter la concurrence internationale.

Les différents revenus des rentes ne proviennent pas d’un véritable effort productif des intéressés et conduisent quasi inéluctablement à une mauvaise gestion macro-économique. L’absence de mise en place d’un appareil productif augmente chaque jour davantage les difficultés que rencontrera le pays lorsque la rente tendra vers l’épuisement. Actuellement, les considérations politiques à court terme l’emportent sur les perspectives à long terme. Tant que la majorité de l’électorat tirera ses revenus des emplois dans la fonction publique, qu’elle pourra bénéficier de services sociaux peu coûteux, les réformes fondamentales n’auront guère de chances de progresser de par l’opposition tant du grand public que de la technostructure censée mettre en œuvre ces changements. Le salaire au sein des branches est déconnecté de la productivité du travail avec la dominance des emplois rentes et des fonctionnaires et les branches qui exportent le plus ne sont pas forcément les plus ouverte et l’industrie manufacturière même embryonnaire est très tournée vers son marché intérieur. Les investissements directs étrangers hors hydrocarbures et dans les secteurs productifs sont très faibles, les étrangers étant attirés par les marchés publics du BTPH.

L’agriculture constitue un réservoir important de main d’œuvre et peut servir en cas de chute du cours des hydrocarbures comme d’amortisseur social tout en diminuant la facture alimentaire assurant l’autonomie alimentaire mais la céréaliculture connaît des rendements faibles qui souffrent des difficultés générales de l’économie. D’une manière générale, les entreprises privées sont présentes surtout dans le secteur des services avec prédominance du commerce de détail, dans les petites entreprises de BTPH et du secteur manufacturier traditionnel. Excepté les hydrocarbures, de certains segments des télécommunications, de quelques sociétés mixtes, le secteur étranger productif est marginal. Paradoxalement, l’Algérie fait alors massivement appel à l’assistance technique et aux firmes étrangères en même temps qu’elle les encadre dans le cadre de la règle des49/51% instauré par la loi de finances 2009, généralisée aux banques en 2010, ce qui a bloqué l’attrait des IDE et favorisé certaines rentes d’oligarques.

Abderrahmane Mebtoul A Suivre…