Les enfants du Doyen racontent l’histoire du «Club du peuple»

Centenaire du MC Alger

Plusieurs visages historiques du Mouloudia Club d’Alger ont révélé, ce samedi, des détails passionnants de l’histoire de l’équipe Vert et Rouge, baptisée «Le Club du Peuple».

Intervenant lors de l’émission spéciale organisée par la Chaîne I de la radio algérienne au Centre culturel Aissa-Messaoudi, à l’occasion du centenaire de l’ancien du club (7 août 1921-2021), Kamal Aouf, fils du fondateur Abderahmane Aouf, surnommé «Baba Hammoud», a tenu à corriger ce qu’il a appelé des «erreurs historiques», en précisant que son défunt père avait dix-neuf ans lorsqu’il a entendu un groupe de soldats français se moquer des Algériens en disant : «C’est le parc des Arabes !», Offensé, Aouf se sentit insulté et décida de fonder un club de football musulman. Il présenta, aussitôt, l’idée à ses deux amis, Adlen et Hammoud, mais ces derniers se sont opposés à l’idée en raison de son «coût exorbitant».

Une initiative de la dignité
Ce qui n’avait pas découragé Abderrahman Aouf qui s’est rendu à l’administration coloniale pour demander une autorisation. La réponse a été négative, sous prétexte qu’il était «mineur». L’initiateur avait alors falsifié son identité en se faisant passer pour son oncle Abderrahmane décédé pour enfin pouvoir faire accepter sa demande. Après avoir réfléchi à plusieurs noms comme «l’étoile» et «l’association» et d’autres, l’homme choisit le nom «Al-Mawloudia», car la nuit de l’anniversaire du Prophète était attendue le 7 août 1921. Dans son interprétation des couleurs du Mouloudia, Abderahman Aouf a expliqué à l’administration française que le vert symbolise le «paradis» et le rouge pour le «feu». 150 000 francs français lui ont été donnés par sa tante, qui a vendu 3 maisonnettes (douirates) et lui a dit : C’est votre «héritage».
C’est avec cet argent que le fondateur acheta des vêtements, des balles et le reste du matériel. Kamal Aouf a poursuivi : «La date d’approbation officielle du Mouloudia par l’administration coloniale était le 1er octobre 1921, et la première rencontre que le Mouloudia a tenue était le 15 octobre 1921 et le Mouloudia avait perdu». En 1922 M. Aouf est enrôlé dans l’armée et envoyé en Allemagne. Pendant son absence, les activités du club sont suspendues par une décision française injuste, avant qu’Aouf ne regagne le pays et réactive à nouveau le Club. Kamal Aouf a rappelé que le stade du Mouloudia se trouvait dans la banlieue de Balfour, à l’est de la capitale, un terrain militaire qui a été récupéré et exploité pour l’entraînement et la tenue de matchs.
L’orateur a cité les nombreuses personnes qui ont édifié le club à l’instar de Kamal Lemoui, Ben Semaia, Abdellah Benhabillès, Boubekeur… Le fils de M. Aouf a conclu en expliquant que l’étape 1921-1956 était une période de résistance pour le club qui avait repris une mission purement sportive avec l’indépendance arrachée en remportant son premier titre en 1971 avec le regretté entraîneur Ali Benfedha. Durant cette passionnante émission, il a été révélé que lorsqu’Abderahmane Aouf a quitté le Mouloudia, il a créé des pépinières. Il était, témoigne les participants, un vrai père pour les fils de La Kasbah, Baba El Oued et d’autres régions du pays et c’est de là que vient son surnom, «Baba Hammoud».

Un lourd tribut
Le Mouloudia Alger a payé un lourd tribut de 174 martyrs durant la guerre de libération, sans compter les fans du Club comme le martyr Ali Lapointe célèbre supporter du Mouloudia. Revenant aux événements historiques du 11 mars 1956, les intervenants rappellent qu’à cette date, un match important a été prévu pour le général de brigade au stade Saint-Eugène contre l’association coloniale rivale Saint-Eugène. Après une égalisation aux derniers instants de la rencontre, la joie et la fierté se dessinaient sur les gradins des supporters d’El Mouloudia. Furieux et haineux, les colons ont attaqué les Algériens faisant plusieurs blessés parmi eux.
Plus de 30 voitures ont été détruites, et un grand nombre des partisans du Mouloudia ont été arrêtés, emprisonnés et torturés. A ce sujet, Kamal Aouf a déclaré que le retrait du Mouloudia de toutes les compétitions de football le 13 mars 1956 n’était pas sur ordre du Front de libération, mais plutôt par une décision de Mouloud Djazouli et Ibrahim Derich. «Même les autres équipes sportives musulmanes ne se sont pas retirées sur ordre du Front de libération, mais plutôt par solidarité avec le Mouloudia, comme les clubs : Ittihad Blida, USM, Nasr Hussein Dey, Raed El Koba, USM El Harrach, Olympique Saint-Eugène, Widad Belcourt…

Une demande au Président Tebboune…
L’émission a vu l’intervention de l’ancien président du Mouloudia, Abdelkader Drif, qui a rappelé l’épopée de la victoire de la Coupe d’Afrique des clubs champions 1976. «Le Mouloudia était un grand titre de cohésion, dont le secret du succès des années 70 se trouve dans la formation, l’organisation et la chaleur des joueurs», a-t-il déclaré. Saisissant l’opportunité, M. Drif a demandé au président de la République d’offrir un stade au club en guise de cadeau à l’occasion de son centenaire.
R. S.