Les intérêts des pays producteurs passent avant tout !

Malgré la crise ukrainienne, l’Opep+ campe sur sa stratégie de production

Le niveau de stress monte en flèche sur le marché mondial de l’énergie. Le prix du pétrole gagne chaque heure un peu plus du terrain, suscitant ainsi l’inquiétude des investisseurs qui redoutent un nouveau choc pétrolier difficile à contenir dans un contexte géopolitique explosif. La guerre en Ukraine et le retrait de plusieurs grandes compagnies pétrolières internationales (Shell, ExxonMobile, BP, Eni, Equinor ASA…) de leurs projets en Russie en application des sanctions prises par l’Union européenne (UE) et ses alliés contre Moscou, a aidé à propulser les cours du pétrole à un niveau record, depuis 2014, frôlant, la barre des 113 dollars sur le marché mondial.
Également soutenus par la décision des pays membres du groupe informel Opep+, chapeautés par l’Arabie saoudite et la Russie de reconduire leur stratégie de production, adoptée en juillet 2021, procédant ainsi à une augmentation supplémentaire de 400.000 barils par jour.
Une hausse qualifiée de « marginale » par les experts européens qui ont espéré une « augmentation plus importante » des quotas de production de la part de leurs alliés saoudiens et émiratis et même koweitiens pour surmonter la crise de l’énergie et amortir l’inflation qui s’accélère. Une déception pour les investisseurs et les automobilistes qui souffrent d’une envolée persistante des prix du carburant depuis plus d’une semaine.
De leur côté, les pays producteurs de l’or noir veulent éviter l’effondrement à nouveau du marché pétrolier s’ils libéraient les quotas de production, ce qui est difficile à maîtriser sachant qu’il est difficile de poser un pronostic sur la durée du conflit ukrainien.
L’Opep+ cherchent à protéger ses intérêts comme tous les pays européens qui se penchent d’ores et déjà sur le développement de l’énergie nucléaire ou verte pour remplacer au plus vite les énergies fossiles.
Les pays membres de l’Opep+ ont réussi seuls à redresser le marché pétrolier, malgré les déséquilibres structurels qu’il connaît.
Le but de l’Alliance entre les pays membres de l’Opep avec les pays non-Opep, à leur tête la Russie, était de corriger les déséquilibres entre l’offre et la demande et la baisse des cours de l’or noir qui profitait, particulièrement, aux Occidentaux. Favorisant, également, la dépendance mutuelle des deux parties aux hydrocarbures.
L’Europe paie aujourd’hui le prix de sa dépendance aux hydrocarbures russes et se tourne pour s’en sortir vers les pays de l’Afrique du Nord (Algérie, Egypte et Libye) et les pays du Golfe (Arabie saoudite, Koweït, Emirats Arabes Unis et le Qatar…).
Des alliés fiables pour la sauver de cette crise énergétique. Une offre qui ne semble pas intéresser ces producteurs d’énergies fossiles qui souhaitent négocier au prix fort toute éventuelle aide ou livraison supplémentaire de gaz ou du pétrole à l’Europe. Ce qui n’est probablement pas possible avec l’intention des pays de l’UE et de ses alliés de financer l’achat des armes à l’Ukraine (une enveloppe de 450 millions d’euros dégagée dans cet objectif), sans oublier le coût des mesures à prendre par ces Etats pour ralentir l’inflation et la grogne sociale.
En attendant de trouver des solutions alternatives, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) vient à leur secours. Elle a opté lors d’une réunion organisée avant-hier, avec ses collaborateurs pour une « libération coordonnée de 60 millions de barils de pétrole » pour soulager temporairement la rupture d’approvisionnement.
Cette intervention traduit la gravité de la crise que traversent les pays européens qui font face à une véritable impasse énergétique.
L’AIE intervient uniquement dans des situations extrêmes. Elle a pris ses mesures que trois fois depuis sa création (guerre du Golfe en 1991, quand des ouragans ont ravagé les installations pétrolières dans le golfe du Mexique en 2005 et lors de la guerre civile libyenne en 2011 ». Ses réserves s’élèvent à 1,5 milliard de barils.
De plus, « les stocks de brut américains ont chuté de 6,1 millions de barils le 25 février », tandis que la banque centrale américaine Fed compte augmenter son taux directeur pour surmonter la crise et amortir le choc de l’inflation. Principale préoccupation du Président des Etats-Unis et de son peuple.
D’autre part, il est à préciser, dans le contexte actuel, que l’AIE veut porter un soutien « temporaire » aux pays européens qui se doivent entre temps trouver d’autres alternatives pour éviter la paralysie de leur économie. C’est l’une des raisons qui font que certaines compagnies pétrolières hésitent à se retirer de Russie qui couvre 8% de la demande mondiale du pétrole. Ce qui est sûr, les pays membres du groupe Opep+ ne pourraient pas couvrir les exportations russes sur le marché européen, mais pourraient peut-être compter sur leur allié russe pour augmenter leur production ainsi que leurs exportations.
L’Opep vient de confirmer son attachement à l’Accord signé avec la Russie, en excluant toute hausse libérée de leur production.
Dans un communiqué publié, à la veille de la réunion Opep+, le secrétaire général de l’Opep, Mohamed Barkindo a affirmé que « peu importe les défis auxquels nous pourrions être confrontés, la Déclaration de coopération Opep/non-Opep, continuera d’être le mode opératoire de notre succès commun et nous aidera à nous rapprocher, étape par étape et jour après jour, de la réalisation de nos objectifs communs ».
Une position que soutiennent l’Arabie saoudite et ses alliés. Toutes ces perturbations commencent à attirer l’attention des populations, déjà accablées par l’inflation.
Samira Takharboucht