Solutionner la crise mondiale de 2022, implique de comprendre l’essence des crises de 1929 et celle de 2008

Spectre d’une récession économique globale en 2023

Le devoir de mémoire est fondamental pour ne pas renouveler les erreurs du passé. A ce titre, face aux crises économiques actuelles, avec leurs spécificités, notamment les tensions en Ukraine, en Asie avec Taiwan, il m’a paru nécessaire d’analyser l’essence de la crise d’octobre 1929 et celle d’octobre 2008. Selon le rapport de la banque mondiale en date du 15 septembre 2022, la hausse générale et simultanée des taux directeurs en réponse à l’inflation accentue le spectre d’une récession mondiale en 2023. Si les perturbations de l’offre et les pressions sur les marchés du travail ne s’atténuent pas, les hausses de taux d’intérêt pourraient porter l’inflation mondiale sous-jacente (hors énergie) à environ 5% en 2023, c’est-à-dire près du double de la moyenne sur cinq ans précédant la pandémie.

L’Europe, où la situation est généralement «plus difficile» qu’ailleurs, est particulièrement touchée Il s’ensuit une baisse du niveau de consommation des ménages et un signe inquiétant du début de licenciement. Mais à la différence de 1929 existe une nette volonté de régulation des Etats et l’économie mondiale est en déflation (faible inflation, chômage croissance négative) et non en stagflation (inflation et chômage décroissance). Comme en témoigne la socialisation des pertes de certaines banques la rapidité des interventions des banques centrales que ce soit la FED américaine,la banque centrale européenne, la banque d’Angleterre, japonaise, russe, et même chinoise et indienne de coordination pour briser le cercle vicieux du manque de confiance, prêts interbancaires bloqués qui constitue l’élément vital de fonctionnement de l’économie mondiale. Car, la FED américaine avait avant la crise récente un taux directeur de (2%) , depuis le 08 octobre 2008 à 1,5% et ramené le 31 octobre 2008 à 1% ; pour le taux européen,( BCE) il était de 4,50%, a baissé de 4,25% , venant d’être ramené à 3,75% depuis le 8 octobre 2008 et qui a été revu à la baisse le 06 novembre 2008 à 3,25%.
La conjoncture européenne se dégrade à une telle vitesse, que la BCE a baissé une nouvelle fois son taux directeur d’un demi ou de trois quarts de point le 4 décembre 2008 . Pour les dépôts en livres sterling, il devait être inférieur à 5%, le taux de la banque d’Angleterre était de 5% et a été ramenée depuis le 8 octobre 2008 à 4,50% et a été revu à la baisse à 3% depuis le 06 novembre 2008. Le taux directeur de la banque centrale du Japon (BoJ) est resté inchangé depuis février 2002 avec un taux directeur à 0,50%, et vient d’être ramené depuis le 31 octobre 2008 à 0,30%. Par ailleurs à la différence de 1929, nous avons une inter- connexion de plus en plus poussée des différents pays à l’économie mondiale supposant paradoxalement une propagation plus rapide de la crise mais également sa résolution progressive. Car tout système économique et financier fiable repose sur la confiance. Avec les banqueroutes répétées, le crédit interbancaire source de l’expansion de l’économie mondiale a eu tendance à s’assécher surtout au niveau des banques d’affaires qui ont connu une expansion inégalée durant la période contemporaine.
Or, à la différence d’une banque universelle, une banque d’affaires n’a pas la possibilité, en cas de conditions de marché difficiles, de s’appuyer sur les dépôts des particuliers pour lever des fonds pour le court terme, bien qu’elles continuent à émettre des dettes à court terme pour financer leur activité. Or, de plus en plus les établissements financiers auprès desquels les banques d’affaires se refinançaient refusent en période de crise de prêter par manque de confiance dans la capacité de remboursement de ces banques. C’est cette situation qui a poussé le FMI a adoucir sa position monétariste et la FED à injecter plusieurs centaines de milliards de dollars de liquidités sur les marchés et à étendre les accords de «swaps» avec ses homologues européenne, japonaise, britannique et suisse. C’est que l’accord swap permet aux banques centrales de se prêter réciproquement des liquidités à court terme pour stabiliser le système financier de son pays.

3 .- L’essence de la crise est la financiarisation de l’économie mondiale déconnectée de la sphère réelle. Les revenus sont mal répartis entre salaires et profits, entre les plus riches et les autres. Avec cette financiarisation croissante, nous avons deux types de détention d’actions. La détention directe (ceux qui les détiennent en propres) et la détention indirecte (ceux qui les détiennent par le biais d’un intermédiaire : organismes de gestion, sociétés d’assurances-vie, caisses de retraite, SICAV). Le fait nouveau réside dans la modification rapide et importante du type d’actions détenues par les ménages.
La détention directe d’actions devient minoritaire, pendant que la détention indirecte s’est fort développée. Ce sont aujourd’hui les fonds de pension qui contrôle Wall Street gérant plus de 30% de la capitalisation boursière des USA. Ces dysfonctionnements ont été concrétisées à travers la crise des prêts hypothécaires (subprimes ) en août 2007, crise qui s’est propagée à l’ensemble des bourses mondiales avec des pertes estimées à plusieurs centaines de milliards de dollars( plus de 1.500 milliards de dollars estimation provisoire en mai 2008 phénomène qui n’explique pas toute l’ampleur de la crise (évitons de confondre l’essence et les apparences) que je résume en cinq étapes : les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d’intérêts élevés ; diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c’est-à-dire qu’elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d’investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu’à 30 % par an), et faire jouer l’effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu’à 90 % des sommes nécessaires ; retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d’intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s’essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d’honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s’effondrer ; crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker, elles savent ce qu’elles ont dans leur bilan mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d’où une grave crise de confiance et depuis juillet 2007, cette situation fait chuter les bourses et paralyse le marché inter-bancaire , les banques ne se prêtant plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge et intervention des banques centrales : face à la paralysie du marché, les banque centrales sont intervenus massivement début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d’euros de liquidités. Récemment avec la crise du coronavirus , les pays du G7 ont annoncé le 27 mars 2020 , leur intention d’injecter plus de 5000 milliards de dollars pour contrer les répercussions négatives de l’épidémie.
Cette crise qui s’est propagée à l’ensemble de la planète a imposé la réunion du G20 tenue le 15 novembre 2008 à Washington )USA) (composés des pays développés, Allemagne, Canada, Etats Unis, France, Italie, Japon, Royaume Uni, Espagne et des pays émergents, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie , ces pays représentant 85% du PIB mondial et 2/3 de la population mondiale. Un plan anti crise a été dressé le 31 mars 2009, avec cinq objectifs : premièrement de dégager une réponse commune à la crise financière ; deuxièmement ouvrir les pistes d’une réforme en profondeur du système financier international ; troisièmement prendre de nouvelles initiatives pour parer à d’éventuelles faillites bancaires et imposer aux banques de nouvelles normes comptables ; quatrièmement des règles plus strictes sur les agences de notation, la titrisation et les parachutes dorés ; cinquièmement accroître les dépenses publiques à travers des déficits budgétaires coordonnées, mais au profit des économies d’énergies pour le BTPH et des technologies propres pour le secteur automobile, remettant d’ailleurs en cause au pacte de stabilité européen (3% du PIB et dépenses publiques sur /PIB moins de 60%. L’Europe le 20 novembre 2008 a convenu de dégager 130 milliards d’euros soit 1% du PIB de chaque Etat, alors que les USA prévoyaient des dépenses publiques qui s ‘ajoutaient aux 700 milliards de dollars, d’environ 800 milliards de dollars . Dans cette lignée , rappelons que pour la crise de 2020, les pays du G7 avaient annoncé le 27 mars 2020 , leur intention d’injecter plus de 5.000 milliards de dollars pour contrer les répercussions négatives de l’épidémie et que l’administration Trump avait proposé le 23 mars 2020, un plan de soutien massif à l’économie américaine, pour mobiliser 2.000 milliards de dollars fortement touchée par l’épidémie de coronavirus qui a des effets sur de nombreux secteurs dans le pays, les entreprises étant paralysées. Pour l’Europe, la Chine et les USA les trois plus grands espaces économiques mondiaux, toujours pour 2020, nous avons assisté à la baisse de la production plus importante que celle du début de la crise financière mondiale de 2008. Qu’en sera-t-il en 2023 avec un impact sur les pays en voie de développement ?

En résumé, le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz estime que toutes ces actions sont des solutions de court terme les comparant à «une transfusion sanguine massive à une personne souffrant d’une grave hémorragie interne. Le monde devrait connaitre un profond bouleversement géostratégique économique, social, militaire et surtout culturel, entre 2022/2030, s’orientant vers un monde multipolaire avec l’émergence des BRICS. Il semble bien que les pouvoirs publics mondiaux n’aient pas tiré les leçons. Cela suppose l’adaptation au fonctionnement de la société qui a été perturbée depuis l’entrée en puissance des nouvelles technologies à travers Facebbok qui contribuent à refaçonner les relations sociales, les relations entre les citoyens et l’Etat, par la manipulation des foules, pouvant être positif ou négatif lorsqu’elle tend à vouloir faire des sociétés un Tout homogène alors qu’existent des spécificités sociales des Nations à travers leur histoire, Ces nouvelles dictatures peuvent conduire à effacer tout esprit de citoyenneté à travers le virtuel, l’imaginaire et la diffusion d’images avec pour conséquence une méfiance accrue par la manipulation des foules, lorsque des responsables politiques formatés à l’ancienne culture ne savent pas communiquer. Face à ces expériences historiques, l’objectif stratégique est de repenser l’actuelle architecture des relations internationales système économique mondial en donnant un rôle accru aux institutions supranationales et à la société civile, d’ imaginer de nouvelles règles des fonctions complémentaires des Etats et des marchés des biens et services et du travail comme facteur de régulation par une lutte contre les inégalités et les pauvretés locales et mondiales.
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur
des universités, expert international
(Suite et fin)