Les crypto monnaies

L’économie algérienne face aux monnaies virtuelles

Le monde numérique a été bouleversé, ces dernières années, par le développement rapide de la blockchain, rendu possible grâce à la monnaie virtuelle comme le Bitcoin, son application la plus connue.

Cette monnaie virtuelle pourrait-elle s’appliquer à l’actuelle structure de l’économie algérienne où domine la sphère informelle? La modification de la loi sur la monnaie introduira-t-elle l’utilisation des crypto monnaies ? Cette présente contribution est la contribution transmise à l’agence internationale britannique Reuters à leur demande.

1.-Quelques indicateurs sur l’économie algérienne
1.1-. Les recettes de l’Etat au titre de la loi de Finances prévisionnelle 2023 selon les déclarations du ministre des Finances le 24 octobre 2022, les exportations de biens devraient atteindre, en 2023, un montant de 46,3 milliards de dollars américains, contre 44,4 milliards de dollars dans les prévisions de 2022. Or il s’agit de lever toute contradiction, notamment pour 2022, puisque le PDG de Sonatrach annonce des recettes de plus de 50 milliards de dollars, montant auquel s’ajoutent les données du ministre du commerce de 7 milliards de dollars hors hydrocarbures fin 2022 ce qui donnerait 57 milliards de dollars de recettes. Les dépenses, mais pas de précisions si elles seront clôturées à la fin de l’année ou échelonnée sur deux à trois ans, comme celle de la défense nationale, sont estimées à 98 milliards de dollars réparties entre les dépenses de fonctionnement, qui augmenteront à 9 767,6 milliards de dinars (+26,9%) et les dépenses d’équipement à 4 019,3 milliards de dinars (+2,7%), par rapport à la loi de Finances complémentaire (LFC) 2022, Toujours selon le ministre des finances, sur la base des recettes et dépenses prévisionnelles, le déficit budgétaire passera de 4.092,3 milliards de dinars (-15,9 du PIB) dans les prévisions de clôture pour 2022 à un déficit moyen de 5.720,0 milliards de dinars sur la période 2023-2025 (-20,6% du PIB), fonction de la cotation dinar/dollar, environ 42 milliards de dollars, contre 30 pour l’exercice 2022. Cela montre que le prix fixé par la loi de Finances de 50 dollars pour la loi de finances 2022 et 60 dollars pour celle de 2023 est un artifice comptable, l’Algérie selon le FMI pour l’équilibre du budget devant avoir un cours moyen du baril à plus de 100 dollars. Outre d’autres facteurs comme l’inflation importée, la faiblesse de la production et de la productivité, les surfacturations, cette dépréciation du dinar accentue l’inflation qui entre janvier et octobre 2022 dépasse les 10% avec des incidences sur le pouvoir d’achat, les prévisions de la loi de finances 2023 étant optimistes, estimant à 5,3% en rappelant que l’indice de l’ONS n’a pas été réactualisé alors que le besoin est évolutif, historiquement daté.
Par ailleurs comme pour le calcul du taux de croissance, un taux d’inflation faible en T1 calculé par rapport à un taux d’inflation élevé en T0 donne cumulé un taux d’inflation élevé influant sur le taux d’intérêt des banques primaires qui doivent ajuster leur taux à deux au moins pour éviter des recapitalisations.
∑Les recettes en devises environ 98% provenant des hydrocarbures avec les dérivées qui sont inclus dans la rubrique hors hydrocarbures par le gouvernement où sur les 7 milliards de dollars annoncés pour fin 2022, le Ministère du Commerce ne devant pas donner un montant global mais l’éclater par produit puisque plus de 65% en valeur du fait de la flambée des prix proviennent des dérivées d’hydrocarbures et pour les 35% restant dresser la balance devises (inputs importés en devises et exonérations fiscales). Sans une analyse structurelle fine il est prématuré de tirer des conclusions sur l’importance des exportations hors hydrocarbures qui doivent reposer sur de véritables entreprises dynamisantes durablement et non conjoncturellement, surtout celles issues de la rente Grâce notamment à l’évolution positive du cours des hydrocarbures via la dépense publique, le produit intérieur brut fin 2021 est de 160 milliards de dollars prévision 180 en 2022, un taux de croissance de plus de 4% prévu par le FMI contre une prévision initiale de 2,3%.

1.2- La population au 01 janvier 2022 est estimé à 45 millions, avec une population active d’environ 13 millions et un taux de chômage selon le FMI 14% incluant les emplois de la sphère informelle et les sureffectifs dans l’administration, devant créer entre 350.000/400.000 emplois par an, nécessitant un taux de croissance de 8/9% sur plusieurs années pour atténuer les tensions sociales. Celles-ci sont atténuées par les transferts sociaux qui représentent 5000 milliards de dinars soit plus de 36/37 milliards de dollars pour le PLF 2023 contre à 19,7 % du budget de l’Etat de 2022 et 24% en 2021, et les budgets alloués aux secteurs des infrastructures, de l’éducation et l’enseignement, la santé, l’emploi et la sécurité sociale représentent plus de 40% des dépenses globales montrant le caractère re-distributif de la richesse rentière sans ciblage, celui qui perçoit 300.000 dinars par mois bénéficient des mêmes subventions que celui qui perçoit 20.000. dinars. La sphère informelle qui sert de tampon social, l’emploi est d’environ 40% de la population active, canalise entre 33 et 45% de la masse monétaire en circulation, le président de la République algérien ayant donné fin 2020 entre 6000 et 10.000 milliards de dinars.
Selon la banque d’Algérie entre 2019/2020, la masse monétaire circulant en dehors du circuit bancaire, avait atteint 6140,7 milliards de dinars (près de 47,23 milliards de dollars au cours de 130 dinars un dollar de l’époque ) à la fin de l’année 2020 soit une hausse de 12,93% par rapport à 2019. Les réserves de change évoluent ainsi de 2001 à fin 2022 : – 2001 : 17,9 milliards de dollars – 2002 : 23,1 milliards de dollars, – 2003 : 32,9 milliards de dollar, – 2004 : 43,1 milliards de dollars, – 2005 : 56,2 milliards de dollars, – 2010 : 162,2 milliards de dollars, – 2011 : 175,6 milliards de dollars, – 2012 : 190,6 milliards de dollars, – 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2014 : 178,9 milliards de dollars, – 2015 : 144,1 milliards de dollars, – 2016 : 114,1 milliards de dollars, – 2017 : 97,33 milliards de dollars, – 2018 : 79,88 milliards de dollars Depuis 2019, il y a eu une restriction drastique des importations en devises qui a paralysé bon nombre de secteurs économiques, certaines unités fonctionnant à 50% de leurs capacités du fait que le taux d’intégration des entreprises publiques et privées ne dépasse pas 15/20% , 80 à 85% des matières premières et équipements provenant de l’extérieur en devises et avec un impact inflationniste , – 2019 : 62 milliards de dollars de réserves de change, – fin 2020 42 milliards de dollars – fin 2021 44 milliards de dollars – prévision fin 2022, si le cours du Brent se maintient à plus de 90/100 dollars et le gaz représentant environ 35% des recettes en devises à 150/200 dollars le mégawattheure, en moyenne annuelle, conjugué avec la restrictions des importations, entre 54/55 milliards, le ministre des Finances l’estimant sur la base d’une excédent de la balance commerciale fin 2022 de 17 milliards de dollars à 54,5 milliards de dollars. Liée au niveau des réserves de change à plus de 70%, comme toute économie rentière, la cotation du dinar est passée en 1970, à 4,94 dinars un dollar, en 1980 à 5,03 dinars un dollar, en 1990: à 12,02 dinars un dollar, en 1995 à 47,68 dinars un dollar, en 1999 : 66,64 dinars un dollar -2001 : 77,26 dinars un dollar 69,20 dinars un euro : -2005, 73,36 dinars un dollar, 91,32 dinars un euro : – 2010, 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro : -2015, 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro- 2020 : 128,31 dinars pour 1 USD et 161,85 dinars pour 1 euro – -14 janvier 2021 132,77 dinars et 161,13 dinars un euro ; le 29 octobre 2022 140,99 dinars un dollar et 140,17 dinars un euro,, avec un grand écart sur le marché parallèle, 218 dinars un euro (cours vente) ce taux devant tendre, à court terme, en fonction de la loi de l’offre et la demande du fait de la décision d’importation de voitures d’occasion et de la restriction à l’importation de bon nombre de biens vers 250 dinars euro. La banque d’Algérie procède au dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro afin d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements, matières premières, biens finaux), montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité.
Pour une croissance durable, et des exportations hors hydrocarbures, il faut avant tout avoir des entreprises publiques et privées compétitives (coûts/qualité) dans le cadre des nouveaux avantages comparatifs mondiaux : comme un stade sans joueurs sans cela il est impossible de pouvoir exporter, se limitant comme par le passé à être toujours une économie rentière. Pour les PMI/PME après toutes les formalités administratives et sa réalisation il faut trois ans minimum pour son parachèvement, T- 3 et ensuite, il faut trois à quatre ans à partir de son fonctionnement pour atteindre le seuil de rentabilité ; pour les projets hautement capitalistiques il faut entre 5/7 ans, tout cela encadré par de profondes réformes institutionnelles, sociales et économiques.

2.- Le gouvernement algérien face
aux « crypto monnaies »
2.1-Les « crypto monnaies », plutôt appelés « crypto-actifs », sont des actifs numériques virtuels qui reposent sur la technologie de la blockchain (chaîne de blocs) à travers un registre décentralisé et un protocole informatique crypté. Un crypto-actif n’est pas une monnaie. Sa valeur se détermine uniquement en fonction de l’offre et de la demande. Les crypto-actifs ne reposent pas sur un tiers de confiance, comme une banque centrale pour une monnaie En 1976, l’Autrichien Friedrich von Hayek, prix Nobel d’économie, prédisait dans son ouvrage La dénationalisation de la monnaie, une économie alternative où l’Etat perd le monopole de l’émission monétaire. Une idée qui dans les années 1990 inspire aux communautés anarchistes et cyberpunks l’idée de création d’une monnaie pair-à-pair dans le but de contourner les institutions capitalistes. Mais ce n’est qu’en 2009 que naît la première crypto monnaie, le Bitcoin, produit de la défiance envers le système provoquée par la crise américaine des subprimes.
A partir de cette date, la finance décentralisée ne cesse de croître. Ses moyens de paiement dématérialisés, décentralisés, traçables et infalsifiables prouvent leur solidité et séduisent davantage après avoir traversé la crise sanitaire de la Covid-19, sans flancher. Et c’est dans les pays frappés par la crise économique, comme la Russie, l’Ukraine et le Venezuela, que ces crypto-monnaies se développent le plus.
Professeur des universités, expert
international Abderrahmane Mebtoul
(A suivre)