Les causes réelles de l’inflation

Crise économique

Ainsi, malgré l’effondrement du prix du gaz sur les marchés (73 euros le mégawattheure, soit près de cinq fois moins qu’à la fin du mois d’août 2022, lorsqu’il avait dépassé 340 euros), cette baisse ne se répercute pas sur la facture des consommateurs.

Pourquoi l’inflation a-t-elle éclaté de façon si agressive maintenant ?
Précisément pour soutenir les dépenses improductives et militaires en constante expansion, l’État doit augmenter ses recettes. Or, en période de crise économique aiguë marquée par l’accroissement exponentiel des dépenses, impossible de taxer lourdement les entreprises déjà étranglées par l’amenuisement de leurs marchés et, donc, de leurs profits, sans les précipiter dans la faillite (quoique certains secteurs économiques obsolètes sont délibérément précipités vers la ruine). De surcroît, les gouvernants, placés au pouvoir par les puissants, ne s’aviseront pas à appliquer une politique fiscale défavorable aux intérêts de leurs amis et alliés, les patrons et financiers. Aussi, l’inflation, payée par l’ensemble des ménages, cette taxe inflationniste, représente la seule planche de salut permettant à l’État d’accroître son budget. Preuve : grâce à l’inflation, le gouvernement Macron aura en 2022 engrangé, ou plutôt racketté 87 milliards de recettes fiscales supplémentaires aux ménages, pour financer ses préparatifs de guerre et les dépenses improductives, mobilisées pour entretenir un système capitaliste condamné pourtant par l’Histoire.
La preuve de cette orchestration de « l’inflation captatrice » opérée par l’État est fournie par certains médias. Dans son édition du 29 octobre 2022, le journal Le Monde titrait : « Pourquoi les prix du gaz baissent sur le marché, mais pas pour les consommateurs ». Le quotidien s’étonnait de cette distorsion. « S’ils sont les deux faces d’un même problème, les cours du gaz sur les marchés de gros et les tarifs du gaz pour les clients finaux fonctionnent de façon différente », écrivait-il. Autrement dit, en l’espèce, en dépit de la décrue des prix du gaz sur les marchés de gros, les ménages continuent à payer au prix fort leur gaz. Pour information, le prix du gaz sur les marchés a baissé de plus 80% ces derniers mois. Il en est de même pour le prix du pétrole. Il n’a jamais été aussi bas depuis le début de la guerre en Ukraine.
Or, en Europe, notamment en France, les ménages continuent à payer le prix fort. Ainsi malgré l’effondrement du prix du gaz sur les marchés (73 euros le mégawattheure, soit près de cinq fois moins qu’à la fin du mois d’août 2022, lorsqu’il avait dépassé 340 euros), cette baisse ne se répercute pas sur la facture des consommateurs. Logiquement, elle devrait être divisée par 5. Ainsi, les grandes multinationales pétro-gazières et l’État (par l’encaissement des taxes excessivement élevés) rackettent les consommateurs.
Il n’est pas surprenant que TotalEnergies, cinquième groupe privé mondial, ait enregistré des bénéfices record : 20 milliards de dollars.
On se souvient que le milliardaire américain Warren Buffett avait déclaré il y a quelques années, qu’il existait « bel et bien une guerre des classes mais c’est ma classe, la classe des riches qui fait la guerre. Et c’est nous qui gagnons ». L’histoire semble lui donner raison. Actuellement, provisoirement, le Capital triomphe contre le Travail : les patrons, par l’écrasement économique des travailleurs, et l’État (bras armé de la bourgeoisie), par le musèlement et la répression des « citoyens ». Par cette politique de terrorisme social, les deux Léviathans
imposent aux travailleurs et aux consommateurs, pour les premiers une contraction drastique des salaires, pour les seconds une hausse exponentielle des prix.
Globalement, l’augmentation des dépenses improductives – armement, bureaucratie étatique, financière et commerciale, police, prestations sociales, indemnisation du chômage, diverses subventions allouées aux entreprises en difficulté – se répercute inéluctablement sur l’ensemble de la société. Et, par voie de conséquence, sur les coûts de production des marchandises. C’est par l’inflation, autrement dit le racket fiscal, que l’État capte les revenus des ménages et allège la dette publique.
Actuellement, en Europe, servis par une propagande philanthropique et écologique, c’est-à-dire la soi-disant solidarité avec le peuple ukrainien et la prétendue protection du climat, les gouvernements européens, par le racket et la captation,
renflouent abondamment leurs caisses pour financer le réarmement, les grandes entreprises et les banques défaillantes, et rembourser la dette publique.
L’inflation est du pain béni pour l’État des riches. Plus les prix augmentent (doublent, triplent, quadruplent), plus les rentrées fiscales augmentent (doublent, triplent, quadruplent). Aussi, pourrait-on avancer que les gouvernements occidentaux suscitent et attisent l’inflation, comme ils suscitent et attisent les guerres, notamment la guerre d’Ukraine pour tenter de régler les contradictions internes du capital.

L’inflation est favorable aux finances publiques et au désendettement
Qui plus est, l’inflation permet d’alléger le poids de la dette. Grâce à l’inflation, la dette contractée tend à valoir moins chère. L’inflation a donc le pouvoir de réduire la dette. Elle profite à l’État. À titre d’exemple, en France, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la très forte inflation, oscillant autour de 30%, aurait favorisé la résorption de la dette publique rapportée au PIB.
En effet, de 1944 à 1952, c’est-à-dire en moins de 8 ans, la dette publique est passée de 280% du PIB à moins de 35%.
Aujourd’hui, le gouvernement Macron escompte renouveler l’opération d’apurement de la dette publique par l’inflation. La dette publique française actuelle, fixée en euros, s’établit à 2900 Md €, soit 114,5 % du PIB. Si on la divise par le PIB dont la valeur ne cesse d’augmenter, le rapport dette/PIB aura diminué. Par conséquent, il devient plus aisé de rembourser cette dette qui, elle, n’a pas bougé. Assurément, l’inflation permet d’alléger le poids de la dette.
Nous sommes tentés de poser cette question : à qui profite le crime de l’inflation ? Commis curieusement dans une conjoncture d’inflation des crimes de guerre (conflits armés), provoquée par les puissances impérialistes dont le budget militaire explose au rythme de l’explosion de la vie du peuple précipité dans la paupérisation. Une chose est sûre, l’inflation est favorable aux finances publiques, c’est-à-dire à l’État. Effectivement, la hausse des prix des biens à la consommation entraîne mécaniquement un relèvement des recettes de TVA. De même, une hausse des salaires (soutenue par tous les gouvernants et puissants occidentaux, et pour cause) élève mécaniquement les cotisations sociales versées. La hausse des salaires, défendue par les grandes entreprises et les gouvernements, vise à procéder à l’écrémage des entreprises, autrement dit à l’élimination de certains secteurs obsolètes, voués à disparaître du fait de leur impossibilité à augmenter les salaires de leurs employés, à soutenir la concurrence, comme on le constate dans le secteur artisanal en France, notamment dans les secteurs de la boulangerie, de la restauration, confrontés à une mortelle augmentation de leurs factures énergétiques.
De même, en période de récession, caractérisée par la baisse des échanges commerciaux et la contraction de la consommation des ménages, les deux seuls ultimes moyens employés par les entreprises pour assurer, sinon la hausse, au moins le maintien de leurs profits, ce sont le gonflement des prix et la compression salariale.
En vérité, comme on l’a démontré ci-dessus, l’inflation actuelle ne constitue pas une anomalie inexpliquée ou un accident fortuit, elle est constitutive du mode de production capitaliste contemporain confronté à une crise économique inextricable.
L’inflation constitue la seule voie de salut économique du capital occidental en déclin. Plus la crise s’aggrave, objectivée actuellement par la baisse de la consommation relevée dans l’ensemble des pays occidentaux, plus les entreprises renchérissent leurs prix pour sauvegarder leurs niveaux de profits.
Et plus les prix augmentent, plus les ménages réduisent leur consommation, aggravant corrélativement la crise, aboutissant elle-même à la phase de récession, puis de dépression économique.
Ce phénomène économique est désigné sous le vocable de stagflation (concomitance d’une hausse des prix et d’un ralentissement de l’activité, et également de la hausse du chômage).
Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), « Le ralentissement de l’activité économique mondiale affecte toutes les régions mais est particulièrement alarmant pour les pays en développement », c’est-à-dire les pays occidentaux, notamment européens.
Ce constat, tout un chacun peut le constater : les pays occidentaux sont entrés dans la phase de récession économique, voire d’implosion.
À l’instar de la guerre, depuis plusieurs décennies, qualifiée comme un vestige du passé, disparue définitivement du paysage européen, l’inflation, fut également, durant plusieurs décennies, déclarée définitivement vaincue, reléguée au musée de l’Histoire. Or, comme on le constate actuellement, la guerre et l’inflation, tels des spectres, hantent de nouveau les pays développés occidentaux.
Au vrai, la guerre est la véritable génitrice de l’inflation. En période de guerre, de même qu’on assiste à l’inflation incontrôlée de la violence meurtrière, de même on assiste à l’inflation effrénée, économiquement destructrice, des prix. Autrement dit, en période de guerre, le prolétariat est condamné à payer et l’impôt de la consommation et l’impôt du sang.
Aujourd’hui, les travailleurs subissent une double extorsion. Au sein de l’entreprise, par le vol de la plus-value commis par le patronat (la plus-value, cette partie de la valeur totale de la marchandise où est incorporé le surtravail, le travail impayé de l’ouvrier : le profit).
Au sein de la « société civile », dans la vie, par le vol de leur pouvoir d’achat plombé par l’inflation captatrice instaurée par l’État. Autrement dit, et le patronat et l’État, déterminés à accentuer leurs attaques antisociales afin de financer l’accroissement des dépenses militaires et de sauver le taux de profit moyen de l’économie capitaliste, sont les principaux ennemis de l’ensemble du prolétariat.
Fondamentalement, l’inflation (tout comme sa génitrice, la guerre) est l’expression de la crise historique du mode de production capitaliste. Cette crise vient rappeler au prolétariat mondiale l’aberration de ce système, vecteur de malheurs et de conflits militaires. La crise actuelle est sans issue. Seule la transformation révolutionnaire de la société, en rupture avec le capitalisme, pourrait définitivement enrayer les récurrentes crises économiques, symbolisées notamment par l’inflation, véritable racket financier opéré par le système capitaliste.
(Suite et fin)
Khider Mesloub